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"Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione" d'Anne Teresa De Keersmaker et Radouane Mriziga

Programmée au Festival de Marseille, juste avant Montpellier Danse, voilà une création d'Anne Teresa De Keersmaeker et de Radouane Mriziga promise à un bel avenir.

Véritable « tube » de la musique classique au point de faire oublier ses origines baroques et vénitiennes, Les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi composée en 1723, est une œuvre dont la multiplication des interprétations a banalisé son écoute, voire même l’a « inaudibilisée ».

C’est pourquoi il semblait un peu étonnant qu’Anne Teresa De Keersmaeker, experte de la musique savante s’en entiche. Mais c’était sans doute compter sans l’anniversaire des 300 ans de ces fameux concertos, et sans le dérèglement climatique qui en fait, finalement, un bon sujet d’actualité. C’est d’ailleurs à cet endroit que l’aborde la chorégraphe flamande qui affirme :« Les Quatre Saisons nous interpellent dans notre relation à l’environnement, une question qui est justement au cœur de nos œuvres. […] C’est quelque chose qui nous préoccupe beaucoup et qui continue de soulever de nombreuses questions. Est-ce qu’il y a encore des saisons ? » C’était aussi compter sans l’interprétation de la violoniste Amandine Beyer et Gli Incogniti, qui en donnent une version urgente, déchirée, écorchée, un peu étrange. Et puis, la musique n’est pas jouée ni dans l’ordre, ni dans son intégrité, et surtout, ça ne s’appelle pas Les Quatre Saisons, mais, Il Cimento dell’Armonia e dell’Inventione (La confrontation entre l'harmonie et l'invention) qui comprend douze concertos et dont ces quatre là ne sont que les premiers.

Galerie Photo : Anne Van Aerschot

Mais, « la confrontation entre l’harmonie et l’invention » est certainement le sujet de toujours d’Anne Teresa De Keersmaeker, elle qui a érigé quasiment en principe l’assujetissement à la forme et la tentation du chaos, l’ordre et le désordre, l’abstraction et la théâtralité.

Et, une fois de plus, on retrouve dans cet opus ce mélange étrange de contrainte et de liberté caractéristique de son écriture, qui patiemment construit la chorégraphie du haut puis du bas du corps, en lui impulsant un rythme, puis des déplacements en cercle, en spirale, en tours, au pas ou au galop, débordant d’une énergie virevoltante, effectuant des huit et des voltes, rarement au rythme de la musique, ou alors sur l’impulse le plus basique et souterrain.

Galerie Photo : Anne Van Aerschot

Mais, et c’est peut-être aussi l’apport de Radouane Mriziga, on distingue aussi une gestuelle tout autre, avec des frappes de pieds et des mains qui finissent par rappeler les élégantes claquettes d’un Fred Astaire dans un duo virtuose, que le public commence d’ailleurs à applaudir comme il se doit…

Et puis il y a ces danses imitatives de la nature, avec le souffle du vent et les cris des oiseaux, qui avaient déjà contribués au succès de Cesena. On voit passer un cheval, un faon peut-être, des chiens aboient, tandis que les danseurs sont en pleines semailles ou en pleine chasse, des hommes sur un cheval de trait. Au milieu de ces scènes de genre, un des danseurs fait une coupole au ralenti ou d’autres figures d’une break dance très cérébrale.

Le plus impressionnant de ce spectacle est certainement ce quatuor d’hommes aux personnalités et aux interprétations affirmées. Nous avons particulièrement été happés par l’extraordinaire fluidité de Lav Crnčević et ses déplacements impondérables, et l’autorité souple de Boštjan Antončič qui induit une pointe d’humour, ou un léger décalage délicieux dans ses mouvements. Mais le hip-hop au ralenti de Nassim Baddag ou les claquettes et l’allant de José Paulo dos Santos ajoutent aussi à ce spectacle d’une grande vitalité.

Agnès Izrine
Vu le 29 juin 2024 au Festival de Marseille

Au festival Montpellier Danse le 1er, 2 juillet à l'Opéra Comédie

Distribution

Rosas / A7TAS
Chorégraphie : Anne Teresa De Keersmaeker, Radouan Mriziga
Créé avec et dansé par : Boštjan Antončič, Nassim Baddag, Lav Crnčević, José Paulo dos Santos
Musique : Antonio Vivaldi, Le quattro stagioni
Scénographie et lumière : Anne Teresa De Keersmaeker, Radouan Mriziga
Direction des répétitions : Eleni Ellada Damianou
Enregistrement : Amandine Beyer, Gli Incogniti Alpha Classics/Outhere Music 2015
Analyse musicale : Amandine Beyer
Poèmes : Asmaa Jama, ‘We, the salvage’, Antonio Vivaldi, ‘Le quattro stagioni’
Costumes : Aouatif Boulaich
Chef costumière : Alexandra Verschueren assistée par Chiara Mazzarolo et Els Van Buggenhout 
Habillage : Els Van Buggenhout 
Assistante à la direction artistique : Martine Lange
Coordination artistique et planning : Anne Van Aerschot
Tour Manager : Emma Hermans, Jolijn Talpe
Direction technique : Thomas Verachtert
Techniciens : Jan Balfoort, Thibault Rottiers

 

 

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