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« Houle » parcours chorégraphique par Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou

Dans le cadre du temps fort du Mucem « Fragments d’une Tunisie contemporaine » Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou de la compagnie Chatha ont été sollicités afin de présenter la jeune génération de danseurs chorégraphes tunisiens

Houle est un mot arabe qui signifie courant sous-marin. Ce titre est donc en corrélation avec la ville de Marseille, la mer et les pays qui bordent la méditerranée. C’est sur cette idée qu’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou ont recherché de jeunes chorégraphes tunisiens afin de mettre en avant leurs écritures encore vierges et sauvages dont le travail annonce non seulement un renouveau de la danse contemporaine, mais aussi un état poétique et politique.

Cette idée est née grâce à la dynamique programmatrice du Mucem qui a tenu fermement à solliciter la compagnie Chatha afin de proposer des œuvres liées au temps fort du musée marseillais : « Fragments d’une Tunisie contemporaine ». « Au départ nous pensions ne pas être assez disponibles pour cette nouvelle aventure car nous sommes très occupés par notre tournée de « Sacré Printemps ! » ainsi que par nos projets élaborés à La Maison de la danse de Lyon où nous sommes artistes associés depuis 2014. Finalement, il aurait été dommage de refuser une telle offre qui nous a donné l’occasion d’investir ce lieu sublime qu’est le Mucem avec des artistes en qui nous croyons et qui sont à l’aube de leur carrière », racontent en chœur Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou.

Dans le hall du musée, le parcours chorégraphique débute avec l’installation « Kawa » » de Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou, inspirée de la création 2010 de la compagnie portant le même nom. Au sol 2000 blanches tasses de cafés forment un savant tas alors qu’au dessus une vidéo diffuse des paroles de Mahmoud Darwish extraites de « Une mémoire pour l’oubli » : « … Le café, la première tasse de café, est le miroir de la main, de cette main qui tourne le breuvage, le café est déchiffrement du livre ouvert de l’âme, devin des secrets que le jour renferme ».

Ensuite, nous parvenons dans une autre salle où l’unique lumière est diffusée par les immenses baies vitrées qui surplombent la mer où le soleil couchant répand de magnifiques couleurs chatoyantes. Ainsi, Tresse de et avec Nour Mzoughi se déploie dans une ambiance irréelle. La jeune femme raconte sa vie, son enfance, l’importance de l’apparence puis l’âge adulte avec toutes ses contraintes. Son corps exprime toutes ces phases avec poésie, violence et fait même ressentir un certain rejet inhérent à certaines croyances. Ce passage de l’adolescence à la femme est dessiné grâce à une très longue tresse qu’elle s’accroche dans les cheveux, cette tresse n’est pas synonyme de liberté étant donné qu’elle l’empêche d’évoluer comme elle le désire. Aussi la danseuse finit par couper cette attache avec un hachoir de cuisine afin de vivre sa vie comme elle l’entend. Sa danse est très enrobée, fort émouvante et très limpide.

"Tresse" © Sophie Lesort et Chatha

Nous parvenons ensuite sur la terrasse du Mucem où trône un immense tas de chaussures féminines. Selim Ben Safia s’empare de l’un des ces objets et s’interroge lui aussi sur la notion d’identité. Sa pièce ayant pour titre Medley  est une performance où la danse-création est mixée au break dance. Il y manque toutefois une certaine intériorité de la part de l’interprète afin qu’il exprime au mieux toutes ses intentions.

Après avoir emprunté la passerelle qui rejoint le fort Saint-Jean, nous nous installons dans le petit amphithéâtre à ciel ouvert alors que le soleil prêt à éclairer d’autres sphères déploie des couleurs flamboyantes. Dans ce lieu magique nous assistons avec ravissement à M.A.K.T.O.U.B  de et avec Seifeddine Manaï. Le jeune danseur évolue avec une féroce énergie mêlée à une infinie tendresse. Il possède une très forte personnalité et électrise le public. Entre son sourire désarmant, sa danse très visuelle et fort impressionnante, tout ceci ajouté à sa façon désinvolte de quitter la scène pour se perdre dans la foule puis revenir comme si tout cela était normal, sa pièce se déroule dans un rythme effréné et raconte le corps et les états d’âme comme peu d’artistes savent le faire. Il est diablement doué ce jeune homme !

Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou ont formidablement réussi leur pari de provoquer trois paroles singulières d’artistes tunisiens. « Nous voulions travailler sur l’intimité de chacun tout en restant authentiques. Ces jeunes écritures n’ont pas encore conscience de l’avenir, mais on sent un élan formidable qui va obligatoirement aboutir vers des réalisations et des discours étonnants », racontent Aïcha et Hafiz. Ils s’expriment tous les deux le sourire aux lèvres avec une paix intérieure communicative. Outre la tournée de Sacré Printemps !  en France et à l’étranger, ils s’engagent sur un projet de transmission et formation professionnelle tout au long de l’année auprès de jeunes artistes tunisiens en Tunisie qui aboutira à des résidences de création et à un spectacle co-signé par David Bobée, Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou La vie est un songe de Calderon.

Entre la douce température d’un début du mois de juin, la vue splendide sur la méditerranée, les lieux magiques du Mucem et surtout les œuvres de ces jeunes danseurs chorégraphes qui éprouvent un tel besoin de révéler leurs expériences et l’espoir qu’ils ont en leur pays, cette fin de journée dans la cité phocéenne démontre bien que « Houle » pointe le doigt sur un nouveau courant de pensée chez les artistes tunisiens.

Sophie Lesort

Des spectacles sont programmés tout au long de l’année au Mucem

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