Error message

The file could not be created.

Focus Jeunes Créateurs : « UNISSON » de Yaïr Barelli

Finaliste de la première édition de Danse Élargie en 2010, Yaïr Barelli clôt le Focus jeunes créateurs du Théâtre de la ville avec une fine et réjouissante variation sur l’UNISSON.

Qu’est-ce que l’unisson ? D’abord utilisé en musique, ce terme caractérise deux notes émises à la même hauteur par plusieurs voix ou par plusieurs instruments au même moment. Par extension, il définit en danse un même mouvement exécuté par plusieurs interprètes en même temps. Motif très présent dans la danse classique, il fait tout le sel des corps de ballet. Mais l’unisson déborde largement des scènes dédiées à ces arts. On chante à l’unisson dans les stades ou dans les églises, on marche à l’unisson dans les défilés militaires. C’est ce que nous montre Yaïr Barelli, finaliste de la première édition de Danse Élargie en 2010, avec sa pièce sobrement intitulée UNISSON, qui met un point final au Focus jeunes créateurs du Théâtre de la ville.

Un joyeux maelstrom

Sept interprètes, quatre hommes et trois femmes, d’âges et de corpulences variées mais tous et toutes vêtues de jeans bleus et tee-shirts blancs, débarquent sur le plateau dans une diagonale qui n’en finit pas de se reformer. Un grand pas glissé, un petit pas sur demi-pointes, ils sont à l’unisson. Alors qu’ils continuent de former de leurs marches différents motifs, des « ha ha ha » s’échappent soudainement de leurs gorges sur l’air de « Joyeux anniversaire ». Premiers éclats sonores qui ne seront pas les derniers.

Une heure durant, nos sept compères vont donner de la voix et du geste pour décliner toutes les nuances – des plus claires aux plus sombres, comme les drapeaux allant du blanc à l’anthracite présents en fond de scène dès le début et qu’ils finiront par brandir – de l’unisson, dans un réjouissant maelstrom. Les égrainant puis les mêlant sans vergogne, ils produiront d’étonnants et d’irrévérencieux rapprochements qui nous feront souvent rire.

50 nuances d’unisson

Ils articuleront « démocratie » en en détachant les syllabes, crieront « tout le monde manque d’affection » ou « black lives matter » puisque l’unisson peut être aussi de raison ou de cœur. Ils brandiront d’un même geste leur portable imaginaire, preuve que l’on peut réaliser de concert le même geste tout en s’isolant. Ils s’abonneront au groupe, likeront, quitteront le groupe. Ils lèveront le poing ou la main d’un seul élan, nous donnant qui un pouce levé, qui un doigt d’honneur, qui des cornes, qui un salut nazi. Comme la démonstration de puissance d’une marche au pas, une communauté unie dans un même mouvement ne peut-elle pas, aussi, être glaçante ? Ils s’essaieront à l’aviron, suivront de leurs têtes la trajectoire d’une balle de tennis, réaliseront un haka, encourageront leur équipe ou joueur favori d’un « alleeeez ! » puisque dans les stades nous vibrons à l’unisson.

Mais cette série, rapide et sans hiérarchie, de saynètes révélant toutes les nuances de l’unisson finira par s’emballer en se mêlant et se juxtaposant de manière foutraque, frôlant ainsi l’absurde et déclenchant les rires. Nous verrons ainsi se former et se chanter joyeusement une chenille, sur le bon air mais avec les paroles de « Notre père », tandis qu’une attitude toute dévote, mains implorantes et yeux rivés vers les cieux, verra s’épanouir un « Allez les bleus ». La comptine à gestes Dans sa maison un grand cerf côtoiera la danse des quatre petits cygnes du fameux Lac éponyme. Nous visant d’un air martial avec son drapeau, un homme déclarera tout à coup « Qui ne saute pas n’est pas Toulousain ». Avec cet opus, Yaïr Barelli livre en somme un spectacle fin et réjouissant qui pourrait être résumé selon la formule de Woody Allen : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur l’unisson sans jamais oser le demander.

Delphine Baffour
Vu le 25 septembre aux Abbesses – Théâtre de la Ville.

Distribution
Chorégraphie, son et costumes : Yaïr Barelli

Lumières : Yannick Fouassier
Drapeaux : Alix Boillot 

Accompagnement vocal : Christine Bertocchi, Jean-Baptiste Veyret-Logerias
Administration,
Production : by association, Marie Gautier
Avec Charles Essombe, Claire Haenni, Felipe Javier Heredia, Stéphane Imbert, Martina Musilova, Yuma Pochet,To’a Serin-Tuikalepa.

 

Catégories: 

Add new comment