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Festival d’Automne : « Sambasô, danse divine »

Un rite nippon ancien, délicatement actualisé par un grand artiste contemporain et interprété par une dynastie majeure du Kyôgen.

Qu’est-ce qui nous relie aux cieux ? Quelles énergies ? Et sont-elles uniquement ancestrales ou bien peuvent-elles se draper d’une vision contemporaine ? La « Danse divine » se rapproche d’un exercice spirituel. Dans cette danse se croisent les traditions du Nô, du Kyôgen et du rituel shintô.

Un lien très intense au sol donne la dimension originellement paysanne de Sambasô, une façon d’extraire du sol et des cieux les énergies positives, requisses pour assurer une bonne récolte. Le lien avec le Sacre du Printemps est ici évident, sauf que le Sacre est un rituel imaginaire et que dans un Sambasô, il n’y a pas de sacrifice. Mais au Japon aussi, il faut apaiser les (mauvais) esprits de la terre.

Les représentations d’un Sambasô sont rares. Y assister est un événement marquant, même pour les Japonais, même si la dimension artistique et contemporaine entre en jeu, par la mise en scène de Hiroshi Sugimoto. Le spectacle représenté à Paris est ainsi donné une dizaine de fois par an, souvent en dehors du Japon.

Les représentations parisiennes ont été possibles grâce au Théâtre de la Ville, au Festival d’Automne et à la manifestation Japonisme qui ont conjugué leurs forces pour présenter Sambasô, danse divine à l’Espace Cardin, salle principale actuelle du Théâtre de la Ville. On n’y a pas vu la profondeur de la scène traditionnelle Nô, mais tout de même un podium en bois évoquant cette scénographie originelle.

Les pieds frappent, le plancher résonne. Dans ce Sambasô, se croisent aussi des cultures d’Orient et d’Occident, sous forme d’énergie lointainement flamenca ou d’un dialogue chanté, qui peut rappeler un récital lyrique occidental. S’y ajoute la veine contemporaine de Hiroshi Sugimoto, fondateur de la Odawara Art Foundation qui a produit ce spectacle, sculpteur, photographe et scénographe dont les œuvres sont exposées de Londres à New York.

L’artiste multi-cartes, né en 1948, lie les personnages du Sambasô au ciel en dessinant une racine blanche qui, tel un éclair, descend des hautes sphères pour se prolonger sur le Kimono de Mansai Nomura. Ce foudre aux ramifications fines et régulières s’illumine de temps à autres, comme pour répliquer aux pieds qui foulent le sol. Et si on fait ici référence au flamenco, c’est qu’une énergie de plus en plus intense irrigue les corps, jusqu’à suggérer un air d’extase, à la lisière du contrôle mental et émotionnel.

Mais Sambasô n’est pas une cérémonie chamane. La frontière de la conscience n’est pas traversée A la fin de chacun des deux cycles ou rites - le mot de danse ne semble pas convenir au Sambasô - la tension retombe avant d’atteindre son paroxysme. Cependant, la possibilité d’une traversée du miroir est suggérée avec suffisamment de force pour prolonger le rite dans une sphère imaginaire.

Ce qui se déroule sur le plateau n’est peut-être que la pointe d’un iceberg. Car avant le début, une cérémonie  s’est déroulée dont nous ne connaissons pas l‘ampleur et dont nous percevons les exécutants seulement après le spectacle, quand ils viennent sur scène pour la première fois. Pour saluer aux côtés de Mansai Nomura et son fils, Yûki Nomura.

Le père de Mansai Nomura, Mansaku Nomura, véritable Trésor National Vivant au Pays du Soleil Levant, avait inauguré la soirée, le 19 septembre, dans un duo de Kyôgen, moins humoristique qu’on ne l’attendait, mais en rapport avec la thématique rurale et de la nature présidant aux destins de l’homme qui irrigue ensuite le Sambasô, illuminé par une photo lunaire de grand format, signée Hiroshi Sugimoto.

Thomas Hahn

Spectacle vu le 19 septembre 2018, Espace Cardin / Théâtre de la Ville

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