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« Extrapole » fait danser Strasbourg

La danse serait-elle trop belle pour s’enfermer dans les théâtres ? A Strasbourg, le festival Extrapole, organisé par Pôle-Sud et sa directrice Joëlle Smajda, explore les chemins qui mènent vers le public, dans les quartiers de la ville, du centre à la périphérie et au-delà. L’organisation d’Extrapole est claire et limpide : Trois jours, trois parcours.

Bien sûr, on peut présenter des spectacles dans la « black box » ou la « white box » et Extrapole n’écarte pas cette possibilité. Mais la danse a développé, au cours de la dernière décennie, des échanges nourris entre la salle et la rue, dans une multiplicité des approches et une vraie liberté d’invention dans l’espace public. De plus en plus de chorégraphes créant pour la rue s’inspirent des créations pour le plateau, et ceux qui ont fait toute leur carrière en salle s’intéressent à l’environnement naturel ou urbain.

 

C’est dans ce contexte que se place Extrapole, où le spectateur peut se déplacer en tram ou en vélo pour suivre les propositions artistiques, au fil d’une journée, avec quatre spectacles le vendredi, huit le samedi et quatre le dimanche. Et même si le festival ne se place pas dans le giron des arts de la rue, il offre de belles alliances entre l’air libre et des chorégraphies qui s’en inspirent.  

Orin Camus et Chloé Hernandez sont un bel exemple de ce croisement salle-rue. Avec leur compagnie YMA, ils ont abordé les planches autant que l’herbe et les arbres. Ils proposent maintenant avec Next Couple une série faite de cinq brèves chorégraphiques pour différents espaces en extérieur, autour du rapport à l’autre, au mouvement, au quotidien, au temps, au travail, à la musique…

 

Amala Dianor montre, dans Man Rec, toutes ses qualités d’interprète poétique et fluide, dans une partition d’équilibre parfait entre le tellurique et l’aérien. On n’a peut-être jamais vu de si belle manière le B-Boy d’origine sénégalaise se montrant ici en harmonie absolue entre inspiration ancestrale et danses urbaines, en résonance avec le réel d’ici-même.

 

Dans Noos, Justine Berthillot & Frédéri Vernier, deux beaux enfants de la balle, explorent la notion de « porter », sous des angles aussi acrobatiques que poétiques. Entre le porteur et la voltigeuse, les prouesses frôlent le jonglage de corps. Un bel exemple de la pertinence contemporaine des nouvelles sensibilités dans les arts du cirque. Et c’est encore plus poétique quand ça se passe sous un ciel de printemps.

 

Marcos Morau, chorégraphe de la compagnie La Veronal, actuellement incontournable, ne fait pas partie de ceux qu’on attend hors des salles de spectacle. Son écriture complexe, nécessitant des éclairages peaufinés et un imaginaire très libre, ne semble pas se prêter à la confrontation avec une architecture urbaine et concrète. Mais Portland se concentre sur le mouvement et le ressenti. Et c’est du cinéma, c’est tout un film en condensé qui traverse le corps et l’âme de Lali Ayguadé, sur des sonates de Beethoven. Comment cette magie va-t-elle opérer en place publique ?

 

Chercher le contact avec le public en faisant un petit voyage dans ses quartiers ou en l’amenant dans la nature, gagne encore quand les chorégraphes vont à la rencontre de formes populaires. József Trefeli & Gábor Varga viennent avec leur pièce Creature qui intègre les accessoires des danses traditionnelles hongroises, incluant costumes folkloriques, bâtons, fouets et masques, tout en inventant de nouveaux usages, parfois décalés et burlesques, pour ces liens avec les temps enfouis. Mais il y a en Europe e l’Est cette tradition de l’humour absurde, et Creature s’y inscrit parfaitement.

 

Mes Hommages : Quand Androa Mindre Kolo déambule dans les rues, tirant un tapis de chaussures et de fleurs, cette procession évoquant l’absence et le départ résonne de façon particulière après les attentats terroristes survenus en France et en Belgique.

 

Le concert dansé se prête également à la présentation en plein environnement urbain. Quand Frank Micheletti, chorégraphe et musicien, lance Hazy Horizonte, Fuzzy Horizonte, quatuor pour deux danseuses et deux instrumentistes, le son a le potentiel d’attirer les curieux d’un quartier entier. Aux danseuses de les faire rester ! Pour aller plus loin, la Mise en jambes de Louis Ziegler propose aux spectateurs d’entrer eux-mêmes dans la danse, pour une balade chorégraphique et champêtre qui durera toute une après-midi. Sans parler de D’Kochloeffel, le Groupe folklorique de Souffelweyersheim avec leur relecture contemporaine du répertoire traditionnel, à savoir neuf danses alsaciennes, de 1883 à nos jours.

 

Par ailleurs, tous les spectacles d’Extrapole sont gratuits, qu’ils se déroulent en salle (comme Avec Anastasia de Mickaël Phelippeau ou We are still watching d’Ivana Müller), en pleine ville ou aux alentours, par exemple dans une ferme ou sur la place de l’église, à Zutzendorf.

Thomas Hahn

http://www.pole-sud.fr/festival-extrapole

 

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