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Entretien Julie Charrier, réalisatrice de "Compositions"

Danser Canal Historique vous propose en ce mois d’août de visionner Compositions, un documentaire sur un stage mené par Dominique Petit au CNDC d’Angers avec des danseurs et danseuses venant de tous les horizons. Julie Charrier, sa réalisatrice, nous éclaire sur le point de vue qui a présidé à sa création.

Danser Canal Historique : Sur quoi porte votre film Compositions ?

Julie Charrier : C’est un documentaire que je viens de réaliser autour de la masterclasss d’improvisation, de composition et de performance proposée en août 2023 par Dominique Petit au CNDC d’Angers à 20 danseurs et danseuses de tous âges, styles et horizons. Ils ne sont pas des étudiants du C NDC mais reprennent une tradition des années 80-90 où s’organisaient « Les résidences d’été du CNDC ».

DCH : Qu’est-ce qui vous a incitée à le tourner ?

Julie Charrier : C’est Dominique Petit qui m’a contactée. Il voulait faire un documentaire, et j’avais réalisé une performance intitulée Les Yeux où j’essayais de montrer ce que voyaient les danseurs en dansant grâce à des caméras embarquées dont l’image était relayée sur un écran géant et s'appelait Zyeux. C’était important pour moi, car j’ai été danseuse et d’ailleurs étudiante au CNDC, avant de passer à l’image, et, être dans la tête d’un danseur est une quête au fond très personnelle. D’où l’idée de rendre visible tout ce processus avec Compositions, puisqu’il s’agissait d’une master class sur l’improvisation, la composition, et la performance. Et ma problématique est de transmettre la sensation des stagiaires et l’intensité du processus pour les gens extérieur. J’ai alors demandé à Dominique Petit que les vingt danseurs et danseuses soient des gens extérieurs issus de pratiques, d’âges et d’expériences différentes afin de recréer une petite communauté de gens qui s’expriment à travers leurs corps, de manière simple.  Donc il y avait des jeunes de seize ans en provenance du Conservatoire de La Roche-sur-Yon où Dominique a enseigné longtemps, à une comédienne du théâtre du Radeau de 65 ans.

DCH : Pratiquement, comment l’avez-vous réalisé ?

Julie Charrier : J’ai commencé par demander à la monteuse, Mona Rossi, de venir me rejoindre – ce qui se pratique rarement en documentaire. Nous nous étions donné comme consigne de ne pas filmer plus de trois heures de rushes par jour ce qui aurait donné  27 heures pour les neuf jours, et nous avons filmé finalement 23 heures. Nous montions les rushes dans la journée, la monteuse dérushait ce qui lui semblait intéressant la journée précédente, et ça faisait surgir un personnage. Le soir, nous demandions donc à cette personne de venir et je l’interrogeais sur ce qui s’était passé pour lui au moment de cette danse, et elle faisait une sorte d’improvisation où elle donnait des mots, qui permettait de suivre le cheminement de sa danse. L’origine. Ce qui avait fait que cette danse avait surgi à cet instant. Je voulais que tout ça passe par la magie du montage, qui fait qu’on peut superposer du son et des images, jouer sur le Off, sur l’image, etc. Et finalement, on peut créer quasiment deux lignes de narration. Voilà ce qui m’anime et ça a été un immense plaisir car nous n’étions pas sûres que ça allait fonctionner.

DCH : Finalement, comment le voyez-vous une fois terminé ?

Julie Charrier : Il y a des moments où j’ai l’impression, que l’on soit danseur ou non, on peut être intéressés par ces surgissements qui s’approchaient peut-être d’un rapport à l’inconscient, d’une danse liée à une singularité et qui est au cœur de la danse contemporaine, comment le corps devient source de communication ou même d’expulsion, il y a eu des traversées fortes. Et j’avais envie que ce CNDC, très compliqué pour les gens qui y travaillent, mais aussi très photogénique soit le réceptacle, la membrane qui enveloppe ce corps collectif. C’est pourquoi j’ai beaucoup joué sur les espaces de tournage. Et c’était chouette, car la demande émanait au départ du stage, et nous échangions beaucoup avec Dominique, et voir à la fin ces performances disséminées dans tout le bâtiment à la suite de nos discussions, ça s’y prêtait, car pourquoi choisir un lieu plutôt qu’un autre ? Etre au milieu des gens dans la rue ou recroquevillé dans un couloir orange et rouge ?

DCH : La présence de Dominique Petit est presque un documentaire en soi sur l’enseignement…

Julie Charrier : C’est étonnant comme Dominique Petit révèle les gens tout en étant dans une grande exigence, c’est un très grand pédagogue, avec un sens de l’intime et des outils très formels. Parfois il est très drôle. Il a 70 ans, est très léger, très joyeux tout en étant très prodond. Son enfant remonte à la surface, et de ce fait, offre une liberté. Et vous voyez, celle que l’on voit prendre des photos dans le film voulait arrêter la danse, et grâce à ce stage, ça l’a relancée. Même Konan qui est dans une pratique intensive, est tout le temps en tournée avec Peeping Tom, il était hyper motivé pour aller chercher très loin en lui cette voix intérieure du danseur, une chose viscérale qu’il arrivait immédiatement à transformer en geste artistique, comme une sorte d’alchimie qui se produisait sous nos yeux. Il y a des moments dans la vie où l’on bénéficie d’une forme de grâce, et ce film, du début à la fin a été dans la grâce, le stage, la manière de le financer, le montage…. Très clair par rapport à de nombreux projets si complexes.

DCH : Quel a été votre parti-pris au niveau musical ?

Julie Charrier : Il y avait tellement de musiques dans le film, qui sont celles des impros, que je ne pouvais pas ajouter encore une composition originale. Et la voix de Fiona Aït Bounou qui vient slamer un peu entre tous ces corps, est une sorte de fil rouge, comme si nous entendions la voix de Terpsichore, ou celle de tous les danseurs, en tout cas, c’est ce que je me suis raconté.

Propos recueillis par Agnès Izrine le 1er août 2024.

 

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