« Ensō-Boléro » de Mickaël Le Mer
Au festival de danse de Cannes, Mickaël Le Mer livre une création d’inspiration Zen, à l’énergie giratoire et calligraphie les corps de neuf interprètes hors-normes.
Avec Ensō – Boléro, Mickaël Le Mer revient à une forme obsédante : le cercle. Cette forme est enracinée dans presque toutes les cultures. Mickaël Le Mer interroge donc cette figure dans ses dimensions spatiales, sociales et spirituelles. Le cercle, essence du break et du freestyle, mais aussi danse « culte » inspirée du Boléro de Béjart dansé par Jorge Donn, vu et revu dans le film Les Uns et les Autres de Claude Lelouch, devient ici matrice chorégraphique, rituel collectif, symbole d’appartenance autant que de mise à l’écart. L’Ensō du titre est, quant à lui, ce cercle calligraphié d’un seul geste continu qui représente l’univers en mouvement.

Cependant, ce symbole va bien au-delà de son tracé car dans une infinité de traditions, il évoque la représentation parfaite du monde, du mouvement et de cet épicentre où tout conflue et se concentre. Il symbolise l’Ouroboros qui se mord la queue dans son cycle infini ou le vide Zen.
Neuf interprètes traversent cette géométrie mouvante, entre inclusion et rupture, dans une danse urbaine affranchie de ses codes. Le Boléro de Ravel, revisité par le musicien et compositeur David Charrier, accompagne cette montée en tension, où la forme se déforme, se fragmente, se réinvente, où scénographie, lumière et musique enveloppent le plateau dans une boucle organique.
Tout commence par la main d’une danseuse qui prend la lumière comme un poisson nage dans un rayon de soleil. Dans la pénombre, elle trace des lignes invisibles, comme une écriture en suspens, esquissant une matière originelle, une humanité en train de se façonner, avant de déployer une gestuelle singulière, mélange d’extrême souplesse et de locking, avec des cambrés renversants. Si la référence au pinceau lumineux qui nimbe le premier bras levé dans le Boléro de Béjart est réelle, celle-ci joue plutôt comme un clin d’œil pour initiés.
Les huit autres interprètes apparaissent dans une clarté blanche. Leurs mouvements circulaires, tour à tour retenus ou fulgurants, composent une partition où les figures hip-hop se transforment en célébration. Les cercles se font et se défont, révélant les forces intérieures de chacun. Les figures les plus virtuoses, les plus acrobatiques du hip-hop se mêlent aux spirales silencieuses d’une danse concentrée, plus contemporaine, où les mains prennent toute leur importance. À la chorégraphie des corps s’ajoute celle des leds. Les faisceaux ne sont plus simples outils : ils deviennent partenaires, inventant une mécanique sensible. Ils dessinent l’espace en variant leur disposition et sculptent les mouvements des interprètes. L’organique et le technologique s’entrelacent, produisant une émotion singulière, presque mystique.
L’ensemble produit une sorte de ballet rituel, les figures circulaires devenant prédominantes, qu’elles soient collectives comme les rondes ou le cypher dans lequel un individu montre tout son potentiel, ou dans le vocabulaire lui-même avec ses coupoles, et ses Thomas, ou encore dans un solo où le danseur s’élance dans des mouvements circulaires proches de la technique des Derviches tourneurs.
Galerie photos © Nathalie Sternalski
La pièce s’achève sur la montée du Boléro de Ravel, souvenir d’enfance que Le Mer transforme en vision. Ici, la musique n’évoque plus seulement celle de Lelouch et de son film, mais une matière vivante où humains et machines dessinent des cérémonies profanes. Les cercles prolifèrent, comme autant de croyances nouvelles, comme une prière sans dieu.
Agnès Izrine
Vu le 30 novembre 2025, Festival de Danse de Cannes, au Palais Stéphanie – JW Mariott.
Photo de preview © Nathalie Sternalski
En tournée
5 déc : Théâtre de Villefranche-sur-Saône, scène conventionnée d’intérêt national
9-10 déc : Les Quinconces L’Espal, scène nationale du Mans
17-18 déc : Le Grand R, scène nationale de La Roche-sur-Yon
9 janv : Théâtre Pierre Barouh, Les Herbiers
17 janv : Théâtre Olympia, Arcachon
23 janv : La Rotonde, Thaon-les-Vosges
28-29 janv : Le Trident, scène nationale de Cherbourg-en-Cotentin
31 janv : Théâtre de Saint-Lô
5 fév : Le Majestic, Scène de Montereau
7-8 fév : Festival Suresnes Cités Danse – Théâtre de Suresnes Jean Vilar
11-12 fév : Les Gémeaux, scène nationale de Sceaux
24 fév : La Rampe, scène conventionnée d’intérêt national, Echirolles
Distribution
CHORÉGRAPHIE Mickaël Le Mer
CRÉATION LUMIÈRE/REGARD EXTÉRIEUR Nicolas Tallec
DANSEURS INTERPRÈTES Evan Diguet, Fanny Mansot, Vanessa Petit, Ojan Sadat Kyaee, Bastien Roux, Tengis Jambaatsadmid, Chloé Wanner, Emma Rouaix et Guillaume Joly
COMPOSITION ORIGINALE David Charrier et « Le boléro » de Maurice Ravel
SCÉNOGRAPHIE Guillaume Cousin
COSTUMES Elodie Gaillard
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