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En mai et juin à la Maison de la danse…

Cette fin de saison s'annonce chargée pour la Maison de la Danse de Lyon avec une création de son chorégraphe-directeur, deux minis festivals, et des spectacles à ne pas rater.

On avait un peu oublié ce (non-)détail, mais Tiago Guedes, qui dirige la Maison de la Danse depuis juillet 2022, est aussi chorégraphe. Il avait naturellement mis cette vocation de côté, quand il est arrivé à Lyon depuis Porto, où il dirigeait le Teatro Municipal do Porto. Tant de choses à faire : Imaginer l’avenir de la maison, entre autres. Nous apprendrons bientôt comment il entend présenter sa première édition de la Biennale de la danse qui sera entièrement de sa conception, avec une programmation festive et conviviale à toutes les échelles. Mais nous y reviendrons en temps voulu.

Entretemps, on peut se rendre compte de sa patte de chorégraphe, avec Matrioska, un duo composé de couches successives où le public est embarqué dans un enchaînement de transformations, un jeu de piste visuel et sensoriel, Matrioska  joue avec les perceptions. Le titre fait bien sûr allusion à la poupée russe gigogne. Aussi ce duo est composé de couches successives où le public est embarqué dans un enchaînement de transformations. C’est à voir « en famille », avec les enfants donc.


On dirait la même chose de Simple  d’Ayelen Parolin, même si la Maison de la Danse indique un âge minimum de 12 ans. Mais le caractère artisanal et la simplicité par laquelle la chorégraphe bruxelloise d’origine argentine aborde la danse apporte un effet libérateur qui plaira aussi à un public un zeste plus jeune. Après tout, on n’est pas obligé d’aborder ce trio par le fait qu’il déconstruit gentiment l’univers de Merce Cunningham. Pas nécessaire d’avoir vu la pièce de référence, Summerspace, pour s’amuser de ces énergumènes qui tentent de vivre dans leurs corps, leurs académiques et ce monde. Car en effet, cet univers ludique remonte directement à des jeux de son enfance, comme Parolin explique à Agnès Izrine dans notre interview [notre critique].


Le choc du Bal clandestin

On peut ensuite pénétrer dans l’univers du très entraînant Bal clandestin  d’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou [notre critique]. Les deux directeurs de la compagnie Chatha signent un véritable coup de génie, en amenant le public dans une ambiance qui rappelle le fait que la danse est un exutoire indispensable à l’humanité. C’est pourquoi les gens ont toujours tendance à se retrouver pour danser ensemble, quel que soit le régime politique en place, quelle que soit l’époque et que la danse soit autorisée ou pas. Le bal, accompagné de deux musiciens, est donc hip hop, mythologique, latino ou guinguette, faisant même, le soir de la création, se lever et danser les plus âgés dans le public. Un ravissement autant qu’un manifeste, et sans doute la proposition la plus originale en tournée en ce moment. Pas directement participative, mais galvanisante et menant à un échange d’énergies des plus vivants entre les six danseurs et la salle.


On n’y est pas très loin des ambiances que l’on peut trouver chez un jeune chorégraphe londonien : Botis Seva s’est fait remarquer entre autres avec des pièces ultra-puissantes où la réalité sociale est traitée par une danse-théâtre que la scène londonienne applaudit debout. Fils d’une Angolaise qui élevait seule ses nombreux enfants à Dagenham, à quelques kilomètres du centre de Londres, Seva a grandi dans un environnement socialement difficile où le quotidien crée une âpreté intérieure. Il s’est lancé dans les danses urbaines et en son pays, ses spectacles sont aujourd’hui acclamés tels des concerts de hip hop ou de rock. Le titre de cette création n’a pas encore été dévoilé, mais on sait bien sûr qu’il été invité à créer avec le Nederlands Dans Theater et qu’il partage cette soirée avec un chorégraphe en vogue à sa manière. Devenu incontournable, Marcos Morau est partout. Le fondateur de La Veronal et récemment auteur du fascinant La Belle au bois dormant pour le ballet de l’Opéra de Lyon créera même, la saison prochaine, une pièce pour le Ballet de l’Opéra de Paris ! Et il a été invité par le NDT II, branche très active du Nederlands de Den Haag. Pour eux il signe avec Folkå  une pièce pour douze interprètes où la danse se fait puissante et tellurique, entre mélopées traditionnelles et rythmes hypnotiques, folklore et modernité, pour célébrer la vie avec ses cycles de reproduction infinis. On pourrait songer au Sacre du printemps


Camping et UtoPistes

En même temps, deux festivals s’invitent à la Maison de la Danse : Camping, organisé par le CND à paris et Lyon, ainsi qu’UtoPistes, comme son nom l’indique une invitation orientée vers les arts du cirque. Dans Camping, Tom Grand Mourcel & Vera Gorbatcheva présentent ¡No Pasarán !, un essai sur la révolte collective, pièce pour cinq interprètes pour parler d’une jeunesse qui se soulève contre les inégalités et l’oppression. Et puis, un hommage à Raimund Hoghe et son humanisme doux et plein d’émotion, avec Simple Things, où se retrouvent quatre de ses fidèles interprètes, à savoir Emmanuel Eggermont, Ornella Balestra, Luca Giacomo Schulte et Takashi Ueno dans un kaléidoscope de souvenirs à partir de fragments de ses chorégraphies. Une nouvelle étape dans ce parcours dans l’œuvre de Hoghe, après le solo About Love & Death  d’Eggermont [notre critique].


Dans le cadre d’Utopistes, on retrouve, avec Marthurin Bolze, l’une des grandes figures du cirque actuel et pionnier de l’écriture contemporaine pour le trampoline, avant même que Yoann Bourgeois fasse apparition dans le paysage. Avec Immaqaa, ici peut-être, il signe une nouvelle création aérienne et acrobatique pour neuf interprètes inspirée du grand nord et de ses vastes étendues où la présence humaine est quasiment absente. Pour parler de la beauté de la nature si froide et des êtres si chaleureux qui vivent dans ces conditions simples, entre incertitude et éblouissement.


Tout aussi acrobatique, Frasques  du Galactik Ensemble met en scène une petite communauté d’hommes et de femmes confrontés à leur propre fragilité entre catastrophes, gags et poésie dans des situations qui les dépassent. A ces deux pièces d’ensemble s’ajoute un duo, par et avec Blanca Ivonne Franco et Sébastien Davis Van Gelder : Première Piste. Leur éclairage intrigant promet de mettre en jeu le corps circassien d’une manière bien particulière : « Notre objectif est de continuer à rechercher les mouvements et la symbiose entre deux corps, dans une quête constante de transformation. Nous imaginons une entité avec deux têtes et huit pattes, évoluant vers une métamorphose où la séparation progressive de ces corps révèlera leur singularité », dit Blanca Ivonne Franco.


Clap de fin pour cette saison, en fin juin avec le Jeune Ballet du CNSMD Lyon qui se confronte aux écritures de Joanne Leighton (pour une adaptation de Songlines), Jamil Attar et Nicolas Paul (deux créations) et Emanuel Gat, avec un extrait de son Freedom Sonata  (notre critique]. Alors choisira-t-il, dans cette pièce bipolaire, la musique de Beethoven ou celle de Kanye West ?

Thomas Hahn
https://maisondeladanse.com/programmation-2024-25

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