Du & nichts : Un hommage au surréalisme
Du & nichts, compagnie alpine fondée par Tom Zabel, Joseffo Olivero et Franz Unger crée des performances sans paroles pour l’espace public. Du & nichts, ça veut dire Toi & rien, mais la traduction gomme le jeu de mots sur "Du und ich" (toi et moi). Car Du & nichts, c'est à peu près aussi caustique qu'un improbable "toi et quoi".
Au festival Mimos, ils sont venus jouer dans le Off, dix ans après leur premier passage, alors qu’ils travaillent côté In dans le reste de l’Europe. Car Du & nichts est un trio à l'écriture unique et ciselée, reconnaissable entre tous. Leur nouvelle performance, Weissbrot und Magritte, en français Pain blanc et Magritte, fait tache dans l'univers des arts de la rue, du mime ou de la chorégraphie.
Galerie photo : Thomas Hahn
Trois clones de Gentlemen, à l’allure british plutôt que belge, rendent hommage au surréalisme dans un unisson stoïque. Parapluie au bras, chapeau-melon sur la tête, le visage figé comme pour figurer un masque neutre, ils entendent bien se soulever contre la gravité en rappelant par leurs gestes qu'ils pourraient bien être sortis de Golconda, ce tableau de Magritte où des hommes aussi uniformes qu'eux-mêmes peuplent le ciel. Ces trois têtes à pipes n'en sont qu'un échantillon qui a échoué parmi nous par hasard. Et si, par hasard encore, c’était un seul homme fêlé en trois, il reste bien soudé dans sa schizophrénie.
Galerie photo : Thomas Hahn
Pas d'oranges bleues dans les poches de leurs impers, mais ils présentent, d'une façon bien laconique, une idée de Dali, comme pour nous dire: ceci n'est pas une montre ! Dans leur lenteur anti-rhinocéros, ils apparaissent, en toute liberté, comme l'uniformité qui marque sa différence avec les temps qui courent. Avec eux, le temps s’arrête, comme dans un tableau de Magritte.
Face à l’accélération de toutes choses, une performance aussi silencieuse que celle de Du & nichts est aujourd'hui un moyen propice de se faire entendre. La triple monotonie de leur gris attire les regards, et ce d'autant plus vite que le trio autrichien, accompagné à l'accordéon, arbore une lenteur provocatrice, fluide et constante. Ils sont la force tranquille de l'art.
Le surréalisme est aujourd'hui entré dans les mœurs. Tout le monde connaît son Duchamp et son Breton, mais quand leur esprit s'incarne ainsi au coin d'une rue, ce n'est pas pareil. Pourtant, Du & nichts ne vont pas jusqu'à promulguer un manifeste, même pas un "zappons le zapping" qu'ils soutiennent à merveille. Leur présence se suffit à elle-même, dans une précision chirurgicale du geste artistique et de chaque unisson corporel.
Thomas Hahn
Festival Mimos OFF
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