« Cosmic Love » de Clara Furey
Programmée par June Events, la pièce de 2017 de Clara Furey, Cosmic Love, ressort du courant minimaliste qui toucha les arts dans les années 60-70, aussi bien la danse que la musique – avec la tendance « répétitive » –, la peinture que la sculpture et l’avatar des « installations ».
Le septuor démarre la soirée par un clin d’œil de la chorégraphe à sa formation musicale et à sa pratique précoce de l’art du chant. Le chœur ressasse ad libitum, sur tous les tons, d’abord a cappella, puis soutenu par une ligne mélodique préenregistrée faisant office de basse continue, diffusée par PC, la phrase « I need a mouth as wide as the sky ».
Galerie photo © Laurent Philippe
Le côté informel, décontract, « comme à la maison », de ce qui n’est pas encore tout à fait la danse, mais une suite de micro-événements ou de bribes d’actions rappelle la manière de procéder du mentor de la jeune danseuse, Benoît Lachambre, qu’Anne Sauvage a déjà eu l’occasion d’inviter du côté de Nogent – ou, plutôt, de Vincennes. Dans ce type d’entreprises, le spectateur est appelé à jouer un rôle actif ou, en tout cas, est censé être frais et dispo pour la contemplation. Qui plus est, pour tranquilliser tout le monde, la lumière et la musique assurent le minimum syndical – le continuum – d’une œuvre sans cesse remise sur le métier, sur le chantier, du fait même de sa déstructuration, de sa brisure et des gels de mouvements.
Grosso modo, l’opus se partage en cinq parties difficiles à démêler par la simple observation de l’écoulement gestuel, n’étaient les changements d’éclairage, de tempo et même, n’ayons pas peur des mots, de temporalité. Les costumes sont « casuals », « sport », « sans façon » ; ils affichent les couleurs les plus gaies. Filles, en minorité, et garçons exhibent pantalons de survêt, marcels, maillots de corps, shorts, baskets griffées – dont une paire d’Adidas, vert vif flambant neuf, crissant sur le tapis de sol. Les nappes sonores sont électro. La lumière a été conçue par un des excellents éclairagistes de la scène contemporaine montréalaise, Alexandre Pilon Guay. Ses variations n’ont rien d’expressif ; elles obéissent à une logique propre.
Galerie photo © Laurent Philippe
Le travail compositionnel est celui d’une artiste plasticienne. Les mouvements des interprètes suivent une trame géométrique comme celle de certains exercices de style d’Oskar Schlemmer au Bauhaus. Clara Furey développe les séquences dansées en un second temps. Se détache du lot le comédien et danseur chevronné Francis Ducharme. Nombre de trouvailles visuelles agrémentent la fin du show, qui tiennent l’audience en suspens : l’arc-en-ciel qui vient balayer l’écran blanc du tapis de sol ; le fondu au noir hésitant qui est prolongé indéfiniment ; le renouveau du pas de deux avec les trois couples qui se forment, s’allongent et ondulent sensuellement.
Nicolas Villodre
Vu le 12 juin 2019 au Théâtre de l’Aquarium, à Paris, dans le cadre de June Events.
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