« Concours Sobanova à La Villette »
La 5e édition des Sobanova Dance Awards s’est tenue le 18 juin, rappelant l’appel de la BBC pour que les Français puissent parler aux Français. La salle célébrant le jazzman pataphysicien était pleine comme il faut, respectait les consignes en vigueur, réagissait au quart de tour suivant les affinités de chacun.
Néoclassique contemporain
À La Villette, il y a lurette, on n’achevait pas les chevaux, comme à Vaugirard, on y promenait le Bœuf gras et on y tranchait le lard, faisait dire Jacques Lanzmann à son ami Dutronc. Les concours de danse qui, au temps de la Dépression, relevaient du marathon, se changèrent en événements mondains sous l’impulsion de Rolf de Maré qui conçut en 1932 le concours international de chorégraphie pour rendre hommage à son danseur fétiche Jean Börlin. Ce concours a fait florès et émules, l’un des plus remarquables pour le contemporain hexagonal ayant été celui de Jaque Chaurand, à Bagnolet, lui-même imité (cf. danse élargie, pour ne prendre qu’un exemple), jamais égalé.
La manifestation dont le nom évoque les prénoms de ses créatrices, Sophie Amri et Barbara van Huffel, s’est avérée très bon esprit, de haut niveau technique, passionnante de bout en bout. Elle a été animée par Gérard Guénébaut et la compagnie Mâle, qui comme son nom l’indique, est constituée de jeunes femmes au nombre de cinq jouant de leur physique.
Le prix du public est allé au couple Allister Madin et Ruben Molina, qui a donné la version sur scène de la pièce Geminus dont notre site avait prophétisé l’avenir radieux (lire notre article). Ce flamenco passé au tamis du ballet académique demeure plaisant en vrai même si on a senti une certaine tension du bailaor au moment du taconeo– celle du torero au moment de l’estocade.
Renaissance hip-hop
Le grand prix a été décerné par un jury composite et ouvert, formé de Mourad Merzouki, Christine Bastin, l’étoile de l’Opéra Karl Paquette qui a remplacé au (mille)pied levé, Pierre-François Heuclin retenu (sic) en Russie, Sabine Kasbarian-Garcin, Abou Lagraa et Sylvie Roger, responsable du mécénat de la Caisse des Dépôts. A été distinguée la chorégraphe Amalia Salle et sa troupe, la Bahia Dance Company, dans un pas de cinq intitulé Les Vivaldines. La danse à l’unisson, l’admission des filles dans la cour des costauds et le détournement de la musique baroque par les nouveaux riches de la danse urbaine ont été balisés depuis longtemps ; il vit le jour ici-même, à La Villette, en 1996 sous l’égide du Théâtre contemporain de la danse. Ici, c’est moins la structure et le contenu inspiré par le confinement que l’énergie que dégagent les cinq merveilleuses danseuses, curieusement adornées d’un mâle (connoté « mal ») qui a convaincu non seulement Lagraa et Merzouki mais leurs collègues danseurs et VIP de la danse.
Cela peut paraître injuste, tant nous avons été séduit par la pièce inaugurale signée Tamara Fernando, Malafemmena, magistralement interprétée par Paulina Richlang et Matthew Knef mais peut-être desservie précisément par l’ordre de passage autrement dit le fait d’avoir à essuyer les plâtres.
Ce duo, bourré de trouvailles chorégraphiques, d’enchaînements on ne peut plus fluides ou simples d’apparence, d’idées graphiques et visuelles, d’humour subtil, a été sacrifié comme la mythique élue. Heureusement, les chorégraphes du jury ont ajouté des récompenses maison en offrant résidences, espaces et programmations à venir à deux autres « crews » du cru.
Sera aidé et « accompagné » le trio d’Azdine Bouncer, Hugo Mrezal et Eryksson De Paula, qui a innové dans la B.O. et dans la mise en valeur des variations individuelles dans une pièce critiquant l’actualité, Faits divers, et nous a révélé un danseur prodige, le Brésilien Eryksson, le bien nommé. Ont été ainsi rattrapés en toute logique les talentueux danseurs et chorégraphes Nathalie Fauquette et Sofiane Tiet qui nous ont offert en primeur leur deuxième création, Focus.
Nicolas Villodre
Vu le 18 juin 2021, salle Boris Vian, Grande Halle de La Villette
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