Compagnies Bilbobasso et Pyramid à Mimos
Les dernières créations des compagnies Bilbobasso et Pyramid surpassent ou renversent les stéréotypes. Avec le même bonheur.
Danser un tango, c’est toujours jouer avec le feu. Delphine Dartus et Hervé Perrin ont développé, à partir de 2001, au sein de la compagnie La Salamandre, un savoir-faire unique de la fusion des arts de la scène avec une recherche pyrotechnique toujours plus ingénieuse.
En même temps, Dartus est une passionnée du tango. En 2006, forts de l’expérience acquise au sein de La Salamandre, ils fondent Bilbobasso, compagnie de danse dont Le Bal des Anges est la troisième création. Certes, d’autres compagnies produisent beaucoup plus de spectacles au cours d’une décennie. Mais il suffit de voir un seul spectacle de Bilbobasso pour comprendre qu’une telle recherche ne peut produire une nouvelle pièce par an, ni tous les deux ans. Trois créations en dix ans, voilà un rythme qui permet d’avancer en profondeur.
Chef-d’œuvre en matière de fusion danse-musique-chant (la chanteuse Ana Karina Rossi éblouit avec une voix à la clarté exceptionnelle), Le Bal des Anges brandit ses métaphores du feu avec une force désarmante. L’absence de maniérisme dans les tangos aide à surpasser le kitsch qui guette entre les flammes.
Il pleut des étincelles et les protagonistes traversent de véritables tapis de feu. Danseurs, chanteurs et musiciens (au bandonéon: Manuel Cedron, neveu de Juan Cedron, fondateur du célèbre Cuarteto Cedron), créent une ambiance électrique, propice à tous les fantômes.
L’intrigue du Bal des Anges est aussi universelle que troublante. Une femme se rend à un rendez-vous avec son amant, mais le fantôme de son mari, disparu dans un accident qu’on voit au début du spectacle, la suit et l’obsède, ouvrant les portes à tous les registres de la passion.
Il est difficile d’imaginer qu’on puisse faire plus enflammé en termes de scénographie pour un spectacle chorégraphique. A Mimos, l’énorme mur de château (à l’image d’une demeure hantée écossaise) qui fait fond de scène sur le plateau en plein air du Parc Gamenson a offert au romantisme de Bilbobasso un cadre rêvé. Cette muraille, fiction architecturale pleine d’histoires possibles, avait déjà fait merveille, il y a quelques années, pour Polar, leur création précédente.
Pyramid : Du hip hop et des livres
Une autre compagnie avait su tirer profit de ce cadre exceptionnel. Pyramid y avait présenté Ballet Bar et est revenue avec sa nouvelle création. Youssef Bel Baraka et ses danseurs ont cette fois investi le grand plateau de L’Odyssée avec Index, une pièce inspirée par le plaisir de lire. Le livre n’est pas mort. Il n’est pas à brûler mais à vénérer et on peut même danser avec lui.
Si Ballet Bar mise sur la frénésie des effets burlesques, Index affiche des notes plus poétiques, moins envolées mais plus profondes et portées par un humour plus affiné. Et même s’il s’agit de rendre hommage au livre à l’ère numérique, la compagnie plonge de nouveau dans l’univers des années 1940.
Pyramid montrent qu’on peut offrir un hip hop pur jus tout en étant aussi inventif et surprenant que les compagnies travaillant sur la fusion avec d’autres univers chorégraphiques. Comme Ballet Bar, cette nouvelle création est organique, populaire, fine, drôle, sensible et virtuose à la fois.
Index part d’un concept original et invente un rapport à l’objet qui se fait ludique, plastique ou mental, selon les situations chorégraphiques données. Les danseurs jouent avec les livres, avec tours de passe-passe et de magie, mais peut-être aussi que les livres y jouent avec la danse ?
Aussi Pyramid se situent à un endroit du paysage de la danse hip hop où se fait la jonction entre des recherches sur le vocabulaire des uns, qui peuvent s’éloigner de l’esprit originel, et d’autres, notamment les compagnies de battles qui misent sur la virtuosité, mais peinent à trouver des concepts dramaturgiques concluants. Et si on pouvait nommer un chorégraphe travaillant dans un esprit comparable, ce serait Kader Attou dans certaines de ses pièces, comme Petites histoires.com.
Le tango et le hip hop tirent leur énergie du sol, pour chercher une forme spécifique de lévitation qui se place surtout dans l’esprit. Comme Perrin et Dartus pour Bilbobasso, Bel Baraka et les danseurs de Pyramid travaillent ensemble depuis 2001. Quinze ans de recherches, ça paye.
Thomas Hahn
Spectacles vus au festival Mimos 2016
www.mimos.fr
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