Clôture de la 28ème édition du Temps d’aimer la danse
Quatre derniers jours très éclectiques du festival Le temps d'Aimer la danse, avec de l’humour, des enfants, de jeunes interprètes, de la danse contemporaine et classique et un bien bel hommage aux 20 ans du Malandain Ballet Biarritz.
Avec un temps digne d’un mois d’aout, Biarritz regorgeait de touristes et d’autochtones qui profitaient de ces magnifiques jours d’été indien pour flâner, nager et surtout assister aux déambulations et représentations du festival Le temps d’aimer la danse se déroulant dans différents lieux en extérieur et en salles.
Sur le plan de la création, dans le cadre des Talents Adami danse 2018, Pierre Rigal et Béatrice Massin ont chacun imaginé en quinze jours une chorégraphie avec cinq jeunes danseurs qu’ils ne connaissaient pas afin d’élaborer La Fugue en question. « Un pari risqué qui pousse les questions chorégraphiques vers une certaine radicalité » souligne Béatrice Massin. Pour Pierre Rigal « Travailler avec Béatrice Massin, soit deux visions de la danse qui vont se confronter ou se compléter, m’a totalement séduit ».
Ainsi, quatre filles et un garçon exécutent deux variations sur le thème de la fugue. En premier, place à Pierre Rigal où, sur des musiques originales de Gwenaël Drapeau et Julien Lepreux, les cinq interprètes effectuent des glissements puis des équilibres soutenus par les uns et les autres. Enfin, la danse devient géométrique, robotique et se perd dans les méandres du hip-hop pour atteindre, sous des lumières rouge sang, l’inexorable faille.
Avec des compositeurs tels que Marin Marais, Handel et Bach, Béatrice Massin ne met pas plus en exergue le talent et la personnalité de ces très jeunes danseurs. D’un tas de chair humaine qui roule doucement à quelques pas dansés aussi peu convaincants qu’avec Pierre Rigal, on regrette un manque de cohésion qui n’est absolument pas dû au peu d’expérience des danseurs car ils accomplissent avec sérieux et détermination ce qui leur est imposé.
Il est évident que le trac d’une première est à l’origine de cette déception. Gageons que lors de la tournée, les jeunes talents vont s’émanciper grâce aux conseils prodigués par les chorégraphes.
Une étape de travail au jardin public avec #Balance ton faune s’appuie sur l’étroite collaboration entre le chorégraphe Gael Domenger et le danseur Romain Di Fazio. Portés par leur désir de proposer une entrée privilégiée dans la pensée du poème de Stéphane Mallarmé où se livre la bataille, universelle et schizophrénique de l’homme avec son inéluctable animalité, ils mettent en scène le verbe avec une fougue étonnante. Un micro à la main, Romain se roule à terre, glisse, saute, sans omettre un seul mot du poète. Violent, étrange, dérangeant et intelligent cet opus se termine sur quelques notes de Debussy.
#Balance ton faune - Galerie photo © Olivier Houeix et Stephane Bellocq
Pour célébrer les 20 ans du Malandain Ballet Biarritz, les danseurs de la compagnie ont imaginé vingt pièces miniatures qui allient humour, sensualité et splendeur de la danse à l’occasion d’une déambulation dans plusieurs lieux emblématiques de la ville. Le sourire aux lèvres, une foule compacte a suivi ce parcours comparé à une multitude de petits bijoux dédiés à Thierry Malandain. Un bien joli moment de bonheur !
Galerie photo © Olivier Houeix et Stephane Bellocq
Agréable surprise au théâtre du Casino avec les flamands Joke Laureyns et Kwint Manshoven de la compagnie Kabinet K qui signent Horses, une pièce délicieuse pour cinq adultes (dont deux musiciens) et cinq enfants. Durant une heure, on assiste à un ouvrage empreint de tendresse, de rires, d’amour, d’émotion, de complicité et d’exploit artistique. En effet, rapide et très bien rythmé, Horses dépeint le rapport entre enfant et adulte sans pour autant exprimer d’autorité ni d’obligation. Ici, il s’agit de jeux. Entre équilibres et déséquilibres, des portées, des envols dignes du cirque, des glissades et autres inventions inhérentes aux amusements, cette formidable équipe déborde de générosité et d’une immense confiance les uns envers les autres.
Galerie photo © Stéphane Bellocq
Après cinq mois de répétition dans les studios d’Alain Platel, les jeunes qui ont de 10 à 15 ans déploient une intense personnalité avec un talent fou. Ils exécutent le langage chorégraphique avec simplicité et poésie, comme si cela était tout à fait naturel. De scénettes en séquences, se créé une symbiose, une solidarité construite à partir d’instants précieux et pour autant, élémentaires, de la vie. Annoncé pour tout public à partir de 8 ans, Horses est une œuvre tellement humaine, qu’elle parle tout autant aux adultes. C’est réjouissant !
Les autres pièces programmées
Les remarquables Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella avec Happy Hour, (lire notre crtique), un brillant duo ponctué d’humour.
Further – L’Ailleurs de Claude Brumachon (lire notre critique) qui, sur les musiques angoissantes de Christophe Zurfluh, raconte la fuite et l’errance d’une famille. Six danseurs dont les corps sont soudés. Du pur Brumachon toujours aussi excellent dans toute son énergie et ses désespoirs.
Galerie photo © Stephane Bellocq
Rencontre entre le flamenco et les grandes créatrices du Siècle d’Or en Espagne avec Nacida Sombra de Rafaela Carrasco. (lire notre critique). Bien que le thème de cette flamboyante production soit intéressant, le flamenco, très traditionnel, laisse entrevoir des défaillances sur le plan charnel et sensuel.
L’irrésistible et désopilante We love Arabs d’Hillel Kogan (lire notre critique). une pièce pleine d’esprit sur la coexistence entre juifs et arabes israéliens créée en 2013 à Tel Aviv qui a remporté un immense succès dans le monde entier. A voir ou à revoir.
Enfin, la danse classique à l’honneur pour la soirée de clôture du Temps d’Aimer avec Giselle dans une chorégraphie de Kader Belarbi et interprété par le ballet du Capitole. (lire notre critique). Une distribution qui a quelque peu changé depuis la création en 2015, soit à Biarritz, dans le rôle de Giselle, la gracieuse, délicate et pétillante Natalia de Froberville et dans celui de Loys, Gómez Samón qui, bien que techniquement parfait, pèche par un manque d’intériorité.
Galerie photo © David Herrero
Biarritz Culture et Thierry Malandain ont bien évidement renouvelé comme chaque année et chaque dimanche du festival, face à la grande plage, l’extraordinaire gigabarre. Le 16 septembre, avec ce temps estival, environ 200 personnes, adultes et enfants, ont dansé sous la houlette de Kader Belarbi. N’oublions surtout pas la folle soirée du Bal des 20 ans du Malandain Ballet Biarritz animée joyeusement par Arnaud Mahouy et avec la présence des danseurs du Ballet qui ont enflammé la salle.
Galerie photo © Olivier Houeix
Du 7 au 16 septembre, cette 28ème édition du Temps d’aimer la danse a prouvé à quel point le public est friand de découvertes, d’innovations et de tradition en remplissant au maximum les différentes salles du festival et en suivant assidument les spectacles présentés dans les jardins, places et lieux emblématiques de Biarritz.
Sophie Lesort
Spectacles vus à Biarritz du 13 au 16 septembre 2018
La Fugue en question, talents Adami danse, chorégraphies de Pierre Rigal et Béatrice Massin Interprètes : Karine Dahouindji, Alizée Duvernois, Marion Jousseaume, Damien Sengulen et Anaïs Vignon.
En tournée : le 22 septembre Hall de Paris à Moissac ; le 10 octobre au Festival « Les Eruptives » à Aurillac ; le 8 novembre à Chaillot ; le 13 novembre à Sain-Nazaire, le 16 novembre, à Saint-Etienne-du-Rouvray ; le 24 novembre à Brive ; le 13 décembre à Toulouse
Horses, chorégraphie : Joke Laureyns et Kwint Manshoven
Interprètes : Jacob Ingram-Dodd/Miguel do Vale, EvelyneRossie, Kwint Manshoven, Jitte Schoukens, Mona De Broe, Lio Maelfeyt, Judith Ginvert, Suza De Gryse/Louisa Vermeire
Musique original et performance sur scène : Thomas Devos, Bertel Schollaert
En tournée : du 16 au 19 novembre à l’Opéra National de Paris, amphithéâtre Bastille ; les 25, 26 et 27 novembre à Strasbourg ; les 29 et 30 avril à Pau
Happy Hour de et avec Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella.
Further – L’Ailleurs, chorégraphie de Claude Brumachon
Interprètes : Anne Minetti, Maria Cargnelli, Benjamin Lamarche, Arthur Orblin, Charlotte Avias, Sébastien Bellegy
Musique : Christophe Zurfluh
Lumières : Denis Rion
En tournée : le 20 décembre au théâtre Saint Louis de Cholet
Nacida Sombra, direction et chorégraphie : Rafaela Carrasco
Interprètes : Rafaela Carrasco, Florencia O’Ryan, Carmen Angulo, Paula Comitre
We love Arabs , d’Hillel Kogan, avec Hillel Kogan et Adi Boutrous
En tournée : le 25 janvier 2019 à Cambrai ; 26 janvier à Saint-Gratien ; 31 janvier à Bezons ; 1er février à Saint-Ouen L’aumone ; 5 et 6 février à Vandoeuvre les Nancy ; 27 mars à Fontainebleau ; 30 mars à Alforville
Giselle, chorégraphie de Kader Belarbi interprétée par le Ballet du Capitole
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