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« Cinédanse 50 films culte » un (beau) livre signé Dominique Rebaud et NicolasVillodre

Comment la danse a-t-elle trouvé son écho dans le septième art ? Cinédanse : 50 films culte, dirigé par Dominique Rebaud et Nicolas Villodre, offre une réponse en plongeant dans un corpus riche de films chorégraphiques, retraçant un dialogue intime entre mouvement et caméra.

« La danse moderne apparaît en même temps que le cinématographe. Faut-il rappeler que chorégraphie et cinématographie signifient la même chose : l’art de composer ou de noter le mouvement ? » écrit Nicolas Villodre dans son introduction.
On ne peut mieux dire. De Cancan ou le jeté coiffé de Georges Demenÿ (1894), à Rize de David LaChapelle (2005), Cinédanse 50 films culte traverse plus d’un siècle de « cinédanse », des premières chronophotographies aux chorégraphies post-Internet. Chacune des cinquante œuvres choisies est accompagnée d’une photo emblématique (et formidablement bien trouvée) et d’un texte concis mais éclairant, signé par des critiques renommés (Jean-Marc Adolphe, Raphaël de Gubernatis, Dominique Frétard…), chorégraphes (Carolyn Carlson, Daniel Larrieu, Catherine Diverrès…), couturiers (Christian Lacroix) et producteurs passionnés. Mais surtout, dans une introduction brillante, Nicolas Villodre nous résume l’histoire de la danse et celle du cinéma, du XXe siècle à nos jours, avec un don percutant pour la synthèse. Car sont abordés, dans cette introduction touffue, mais restreinte, les évolutions du corps des danseurs et danseuses, l’influence qu’a eu le vocabulaire du cinéma sur l’écriture de la danse contemporaine, et la constitution de cet art nouveau hybride appelé « cinédanse ».
Le reste de l’ouvrage rassemble donc plus de quarante contributeurs, conjuguant expertise, sensibilité et passion, structuré en six sections thématiques. Capture : scènes saisies sur le vif, ; Récit : où la danse soutient la narration ; Fondamental : films porteurs d’une réflexion esthétique profonde ; Expérimental : explorations avant-gardistes ; Actuel : œuvres contemporaines.
Au fil des pages, les lecteurs découvrent les figures incontournables de la danse filmée : Loïe Fuller, Anna Pavlova, Isadora Duncan, mais aussi des réalisateurs comme Jacques Demy, Jean Rouch ou Charlie Chaplin. Au cœur du recueil : des classiques comme Les Demoiselles de Rochefort de Jacques Demy, avec sa distribution étincelante (Catherine Deneuve, Gene Kelly, Michel Legrand), mais aussi des chefs-d’œuvre oubliés ou réhabilités : Hoppla! avec Anne Teresa de Keersmaeker.


On y trouve des perles absolues, comme Le Poignard, (1952) ballet devenu mythique de Jean Babilée réalisé par Jean-Benoît Levy, les phonoscènes des Danses Gitanes d’Alice Guy (1905), pionnière souvent effacée de l’histoire du cinéma, Le Cake-Walk infernal de Georges Méliès, le Sunny-Side (1919) de Charlie Chaplin, sorte de parodie de la danse expressionniste allemande ou d’Isadora Duncan, Le Lys de la vie de Loïe Fuller, et bien sûr, les blockbusters de la danse contemporaine : La Plainte de l’Impératrice de Pina Bausch, Beach Birds for Camera de Merce Cunningham, Kazuo Ohno dans La Argentina, sans parler des « musicals » où l’on retrouve Fred Astaire et Ginger Rogers ou les mises en scène fastueuses de Busby Berkeley.


Cinédanse n’est pas qu’un livre. C’est un appel à regarder autrement, à ressentir le mouvement même dans l’immobilité d’une image, et à redécouvrir l’art du geste dans les chefs-d’œuvre du cinéma.
Danse et cinéma n’ont cessé de s’enlacer au fil du temps. Cinédanse : 50 films culte, dirigé par Dominique Rebaud et Nicolas Villodre, célèbre cette complicité en révélant un siècle d’images chorégraphiées. Ce livre ne se contente pas de répertorier des films : il les embrasse, les décrypte, leur rend hommage avec finesse. On y trouve une mosaïque de styles, d’époques, de regards, tous réunis pour éclairer les mille façons dont le mouvement devient langage à l’écran.


Loin d’un catalogue figé, Cinédanse se déploie selon cette classification subtile en six parties qui reflètent l’âme de chaque œuvre et permet non seulement d’éviter le trop plein des comédies musicales ou des films d’avant-garde, mais surtout d’offrir une lecture équilibrée et surprenante. Dominique Rebaud, co-autrice, partage son regard attentif sur la préservation de la mémoire chorégraphique, soulignant les risques d’effacement de la danse face à la puissance du cinéma. Le livre milite pour que le mouvement ne soit pas réduit à l’ornement, mais reconnu comme sujet, comme récit, comme œuvre. Ce souci traverse les pages : chaque film devient espace de relecture, de transmission, de célébration.
En somme, Cinédanse : 50 films culte est bien plus qu’un livre. C’est une déclaration d’amour à la danse filmée, une mémoire vive qui traverse les siècles, un appel à regarder autrement. On referme ce recueil avec le désir ardent de revoir ces films, de les découvrir pour la première fois, ou simplement de se laisser emporter par la beauté d’un geste capturé entre deux battements d’image.

Agnès Izrine
Cinédanse. 50 films culte, sous la direction de Dominique Rebaud et Nicolas Villodre, éditions Scala,160 pages, 35 €

 

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