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« Casse-Noisette » de Michel Rahn – Ballet du Capitole

C’est un retour au répertoire classique que propose le Ballet du Capitole en cette fin d’année avec la reprise de Casse-Noisette chorégraphié pour la compagnie par Michel Rahn en 2009. Si la production permet aux solistes de briller et au corps de ballet de démontrer son savoir-faire, la production manque singulièrement de tonus et parait engluée dans une imagerie désuète.

Beate Vollack n’hésite pas si nécessaire à prendre des risques. La directrice du Ballet du Capitole a ainsi convié Jann Gallois à créer une pièce pour la compagnie au printemps prochain lors d’une affiche partagée. Cette confrontation entre deux univers stylistiques si différents donne déjà l’eau à la bouche. Mais en cette fin d’année, Beate Vollack a préféré jouer la prudence et laisser la troupe toulousaine dans sa zone de confort. Quoi de mieux que Casse-Noisette, blockbuster incontournable ? C’est par excellence un ballet de Noël et souvent la porte d’entrée des plus jeunes vers l’art de la danse.

C’est pourtant une œuvre moins naïve qu’il n’y parait et qui pose un problème majeur à tout chorégraphe qui s’y attèle : le premier acte est avant tout un récit dramatique dont l’héroïne est la jeune Clara qui un soir de noël se voit offrir par son oncle Drosselmeier un casse-noisette. Cet objet transitionnel, source des pires cauchemars de la jeune Clara sert de vecteur pour un second acte qui n’a que peu de rapport avec le premier mais qui sert d’alibi pour une série de divertissements qui ont fait la réputation de Casse-Noisette. Adapté d’un des contes d’Hoffman revu et corrigé par Alexandre Dumas, le récit est moins inoffensif que l’on pourrait croire car s’y joue un voyage initiatique de l’enfance vers l’adolescence où affleurent des relations complexes entre le monde des enfants et celui des adultes comme l’a pointé dans sa version Rudolf Noureev.  

Michel Rahn préfère en rester à la surface des choses : pas de lecture psychanalytique ou de plongée dans le non-dit du livret écrit par Marius Petipa. Le chorégraphe propose une lecture sans relief de ce premier acte et on s’ennuie ferme dans cette soirée de réveillon interminable. Le chorégraphe passe à côté des défis de cette confrontation entre le monde des enfants et celui des adultes. Largement dépourvu de séquences dansées, il semble être un trop long prologue vers le deuxième acte qui est pure danse.

Michel Rahn est alors plus à son aise. Il l’aborde avec un défilé réunissant sur scène tous les acteurs : la Fée Dragée et le Prince bienfaisant entourés des danseurs du royaume des délices. Cet aspect du ballet qui se décline en danses espagnole, arabe, chinoise, russe et française est aujourd’hui gommé des productions. On ne se souciait guère des caricatures grossières lors de la création à Saint-Pétersbourg en 1892. On est heureusement plus attentif aujourd’hui au risque parfois de dénaturer le récit.

Il faut renoncer à toute logique dramatique et voir ce deuxième acte pour ce qu’il est : une démonstration de virtuosité académique. Le Ballet du Capitole fait alors bonne figure. Le couple d’Etoiles maison réalise un grand pas sans bavures : Natalia de Froberville démontre sa musicalité impeccable accentuée par la sophistication de son jeu de bras slaves jusqu’au bout des doigts, témoins de sa formation à l’école du Ballet de Kiev.
Son partenaire, : Ramiro Gómez Samón excelle dans un rôle sans enjeu dramatique mais où il s’impose facilement grâce à une technique éprouvée. C’est un bonheur en soi de voir ces deux artistes qui se connaissent par cœur et délivrent une danse majuscule. 

D’autres solistes émergent tout au long de cet acte des divertissements : Solène Monnereau et Jérémy Leydier forment un couple remarquable dans la Danse orientale. Les qualités acrobatiques, le moelleux des bras et le délié du corps transcendent le risque de dérapage. C’est moins vrai pour la Danse chinoise qui frôle les clichés ethniques. Enfin Kayo Nakazato éblouit en Goutte de rosée menant la Valse des fleurs de grands jetés stratosphériques en fouettés parfaitement exécutés.

Galerie photo © David Herrero

On était en droit d’attendre davantage de l’excellent Orchestre du Capitole qui sous la baguette apathique de Marzena Diakun échoue à décliner les couleurs multiples de la partition de Tchaïkovski et fait entendre un pupitre de vents bien à la peine. Nul doute que le spectacle se bonifiera au fil des représentations sur scène et dans la fosse. Différentes distributions vont alterner, chacune imprimant sa patte sur ce Casse-Noisette qui malgré ses insuffisances ne manque pas de vertus, celle entre autres de prouver que le Ballet du Capitole compte parmi les meilleures compagnies classiques françaises.   

Jean-Frédéric Saumont

Vu le 19 novembre 2025 au Théâtre du Capitole.
A voir jusqu’au 31 décembre 2025.

Distribution :
La Féé Dragée : Natalia de Froberville
Le Prince Bienfaisant : Ramiro Gómez Samón
Casse-Noisette : Philippe Solano
Clara : Tiphaine Prévost
La Goutte de rosée : Kayo Nakazato
La Danse espagnole : Juliette Itou, Nina Queiroz, Minoru Kaneko, Alexandre De Oliveira Ferreira
La Danse orientale : Solène Monnereau, Jérémy Leydier
La Danse chinoise : Lorenzo Misuri, Amaury Barreras Lapinet
La Danse russe : Christiano Zaccaria, Aleksa Žikić, Roberto Calabrese, Joshua Tria

Roxane Stojanov et Hugo Marchand, Etoiles de l’Opéra de Paris danseront la Fée Dragée et le Prince lors des représentations des 28 et 30 décembre 2025.

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