Biennale du Val-de-Marne: «Turning », nouveau solo d’Alessandro Sciarroni
Voir Alessandro Sciarroni danser en solo, permet de cerner son rapport au mouvement et au geste dans une clarté absolue, grâce à l’épure d’une proposition radicale.
Il tourne, il tourne, il tourne..., tel un hipster montagnard qui se mue en derviche tourneur laïque. Un tel énergumène ne peut s'appeler autrement qu'Alessandro Sciarroni. Dans le cadre de Migrant Bodies, journée-événement à La Briqueterie, il a présenté un solo aussi fulgurant que répétitif.
Galerie photo Laurent Philippe
La migration est la matrice du programme Migrant Bodies où chorégraphes, écrivains et vidéastes rencontrent la société civile concernée par des questions liées aux flux migratoires, pour ensuite convertir en création artistique les impressions et informations récoltées. Chez les chorégraphes le résultat de ces peut amorcer une nouvelle création, comme dans le cas de Sciarroni.
Pourtant, même à ce stade qu’on pourrait encore considérer comme embryonnaire, son solo en toupie est déjà aussi élaboré que les pièces de groupe précédentes. Après Folk-S..., basé sur la danse traditionnelle des montagnards alpins (ici aussi il se présente en culotte de cuir), et I will be there when you die qui revisite les conventions du jonglage, il travaille sur une spiritualité et un minimalisme dans lesquels on peut voir comme un aboutissement et une épuration de ses recherches précédentes.
Galerie photo Laurent Philippe
En pleine rotation vertigineuse, Sciarroni conserve une implacable précision qui est la condition même pour réussir ses illusions d'optique et une forme d'art plastique vivant. Aussi, quand le coude, apparemment immobile, point extérieur d'un triangle formé par les bras, devient le point de pivot de l'ensemble, le corps entier donne l’impression de tourner comme autour d'une étoile fixe.
Les éclairages alternant entre pleins feux et contrejour, l’image bascule à plusieurs reprises, la silhouette noire reprenant instantanément sa forme humaine. Sous l'effet de la rotation, le spectateur a toutes les chances de ressentir une lévitation intérieure. Quand Sciarroni arrête finalement de pivoter, le plateau semble tourner tout seul. La séquence vidéo finale qui démultiplie la présence du danseur lève le vertige, et le remplace par un autre, jouant sur la profondeur et l’abîme.
Galerie photo Laurent Philippe
Le paradoxe se situe dans la contradiction apparente entre l’abandon au vertige et la précision absolue des gestes. Par son côté ritualisé, Turning noue avec les essais chorégraphiques sur le Schuhplattler et le jonglage où la précision et la répétition dans la variation peuvent produire le même degré d’exaltation, à partir d’un dévouement total à une forme de mouvement, soumise à des codes stricts. Transposée sur un plateau, cette pratique confine à la transe et à une expérience spirituelle.
Thomas Hahn
Prochaines dates de Turning :
Dans le cadre de Migrant Bodies : le 13 juin à Zagreb et les 3 et 4 juillet à Bassano del Grappa
Et du 26 au 28 juin à Venise
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