Au Salò, la danse fait son clubbing
Marie-Agnès Gillot et Dimitri Chamblas ont été les premiers artistes chorégraphiques à investir le Salò. Suivra Blanca Li…
Le Salò, haut lieu du clubbing parisien, se met à la danse! Un paradoxe? Oui et non, puisque l’idée est de mettre le lieu à la disposition de quelques artistes chorégraphiques très confirmés. Voilà qui inverse la tendance des spectacles chorégraphiques basés sur le clubbing. Ici, l’écriture chorégraphique s’introduit en boîte.
L’honneur d’ouvrir le bal au Salò a été accordé à Marie-Agnès Gillot et Dimitri Chamblas qui ont transformé la piste de danse en studio de ballet pour ensuite présenter un duo et puis mélanger les clubbers aux autres chorégraphes invités, de Salia Sanou aux danses urbaines, à la danse indienne et au butô.
Le nom du Salò, dans les lieux de l’ancien Social Club, s’inspire du film de Pasolini, Salò ou les 120 Journées de Sodome. D’où également l’idée de proposer quarante cartes blanches de trois jours à des artistes. Marie-Agnès Gillot et Dimitri Chamblas ont bénéficié de la 25e « édition » et Blanca Li suivra pour la 29e, du 29 juin au 1er juillet (1). Chamblas et Gillot expliquent ici ce qui change quand l’art chorégraphique rencontre un lieu de danse de la vie nocturne.
Danser Canal Historique ; Comment avez-vous décidé de travailler ensemble? Est-ce le fruit de la reprise d’A bras le corps avec Boris Charmatz à l’Opéra de Paris?
Dimitri Chamblas : Ca aurait pu se dérouler comme ça. Mais en vérité le lien s’est fait à travers La 3e Scène quand j’en assurais la direction artistique. Cet espace numérique est parti du constat que les artistes photographes, cinéastes, écrivains, artistes contemporains etc. ne venaient pas ou plus à l’Opéra. J’ai invité les artistes de ces champs à réaliser des œuvres pour la 3e Scène et beaucoup d’entre eux me disaient: « Moi, je voudrais travailler avec Marie-Agnès Gillot. » Bien sûr, elle n’a pas pu répondre favorablement à toutes les demandes, mais nous avons pu réaliser deux projets. Et au moment où j’ai quitté l’Opéra, l’artiste Xavier Veilhan nous a proposé de performer un duo, et nous sommes allés répéter dans une coupole du Palais Garnier. C’est ainsi que nous avons commencé à danser ensemble et nous avons constaté que nous fonctionnons bien ensemble, ce qui nous a permis de constituer une vraie matière chorégraphique. Ensuite le duo a été décliné en ouvre vidéo, en séries photographiques etc. Nous avons continué à danser ce duo et finalement, le Salò nous a proposé une carte blanche de trois nuits.
DCH : L’art chorégraphique n’est pas habitué aux horaires d’un club. Mais ça permet d’enchaîner. Un spectacle de danse se termine vers 22h, et c’est là que la danse démarre au Salò. Pour huit heures, une durée inimaginable pour l’art chorégraphique occidental!
Marie-Agnès Gillot : Le bar de nuit devient barre de nuit!
Dimitri Chamblas : Dans un club, il n’y a aucune possibilité de séparer l’espace des artistes de celui du public. Tout se mélange! Même notre duo se danse au milieu des gens. Et la durée exceptionnelle est basée sur l’idée que le public se met à danser et prend progressivement l’initiative.
DCH : Alors du coup, tout devient possible ?
Dimitri Chamblas : Nous avons regardé le fonctionnement des lieux qui programment des spectacles chorégraphiques. On trouve beaucoup de spécialisations dans telle ou telle esthétique de la danse. Nous avons souhaité nous produire dans un lieu non connoté, et c’est très rare. Le Salò invite, sur un an, beaucoup d’artistes de disciplines diverses pour leur proposer des cartes blanches, d’Olivier Py à Christophe Honoré, à des réalisateurs, des photographes... Il est vrai que la danse n’arrive qu’après des artistes d’autres champs, et c’est en quelque sorte paradoxal, puisque le Salò est un lieu de danse.
Marie-Agnès Gillot : C’est un espace difficile, parce qu’il y a la piste de danse et puis beaucoup de recoins. Et il faut mettre en vie tout ça. C’est un espace qu’il faut prendre à la manière d’un vrai danseur!
Propos recueillis par Thomas Hahn
(1) Avec Chaillot - Théâtre National de la Danse.
Le Salò, 142, rue Montmartre, 75002 Paris
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