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Une saison riche de diversité à Chaillot

Vous l’avez sûrement remarqué sur les colonnes Morris de la Capital, ce visage à l’œil grand ouvert, rongé par l’ombre. Un portrait magnifique mais dont on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’annonce peut-être rien de bon.

Ce visage, c’est l’affiche de la saison 14/15 du Théâtre national de Chaillot.

« Il signifie pour moi un certain nombre de choses, nous indique Didier Deschamps, son directeur. Il est étonnant et nous saisit, peut-être comme peuvent le faire certaines œuvres. Nous avons pour principe de concevoir la programmation autour d’un axe et d’affirmer, voire de revendiquer une esthétique de la différence. Aujourd’hui, elle nous paraît extrêmement importante, à l’heure où nous sommes face à un monde qui se resserre de l’intérieur de nos frontières mentales, intellectuelles et bientôt physiques. » Dans son édito que tout un chacun pourra découvrir dans le programme, Didier Deschamps met en exergue un sondage réalisé pour Le Monde révélant que « 79% des Français estiment qu’on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres » et que « 66% estiment qu’il y a trop d’étrangers en France ». D’où cette affiche qui incite à la vigilance face à de tels propos. Chaillot affirme donc les valeurs auxquelles le théâtre est attaché, notamment « considérer l’autre comme une richesse » et « combattre toutes les formes de censure » y compris celles qui ne disent pas leur nom. La saison 14-15 du Théâtre national de Chaillot affirmera donc ces notions à travers les spectacles présentés.

Avec 26 spectacles auxquels s’ajoute la deuxième Biennale Arte Flamenca, les artistes de sept pays, et 23 premières françaises dont 9 créations mondiales pour 260 représentations le Théâtre national de Chaillot confirme sa volonté d’ouverture et sa richesse de propositions, malgré les travaux entrepris pour la rénovation de la Salle Gémier.

« Chaillot, Théâtre national de la danse, signifie bien que nous sommes au service de la création et de la production » fait remarquer Didier Deschamps, qui a décidé d’amplifier les « séries » de représentations afin d’élargir le public.

En effet, si les abonnements sont en augmentation, Didier Deschamps mène une politique volontariste pour ouvrir les spectacles à un public diversifié.

La saison marque aussi la fin d’un premier cycle d’artistes (Daniel Dobbels, David Bobbée et Alban Richard) en résidence qui vont laisser leur place à deux grandes dames de la danse : Carolyn Carlson et Rocio Molina, la première pour deux saisons, la seconde, à partir de 2015. Au côté de José Montalvo, artiste permanent du théâtre, ces artistes en résidence tissent des liens avec le public, à travers des spectacles, mais aussi des master classes ou des rendez-vous de toutes sortes qui permettent une autre approche du spectacle, des occasions privilégiées de rencontres avec les artistes et leurs univers.

Enfin, l’axe du Jeune Public sera privilégié. À travers La Belle saison des arts vivants avec l’enfance et la jeunesse portée par le ministère de la Culture et de la Communication. « Elle fait également écho à l’action de Jack Lang qui, en 1973, alors directeur du Théâtre national de Chaillot, décidait d’y installer le Théâtre national des enfants. Il nous semble donc logique et naturel pour nous de participer à cette Belle saison. »

Les jeunes (mais aussi les moins jeunes !) pourront donc découvrir un magnifique Roméo et Juliette signé Josette Baïz dansé par des adolescents de 15/16 ans, soit l’âge des personnages, sur la musique de Prokofiev. Et une création spécifique de José Montalvo Asa Nisi Masa. L’occasion pour lui de retrouver une part de son enfance.« Pendant les vendanges, raconte ce dernier, du côté de Carcassone, il y avait toutes sortes d’immigrés, d’Italie, d’Espagne, d’Afrique du Nord. Le soir, chacun devenait virtuose, et y allait avec ce qu’il savait faire. Ma mère était danseuse de flamenco, et moi, extrêmement timide, je regardais les autres. Je repense toujours à ces moments-là », Asa Nisi Masa, c’est, dans le film Huit et demi de Fellini, la formule magique qui permet au héros de replonger dans son enfance… Tout comme  nous le permettront Paradis Lapsus de Pierre Rigal et bien sûr, La Belle au bois dormant de Béatrice Massin, en danse, Oh Boy, d’Olivier Letellier en théâtre, et le spectacle de marionnettes flamenquistes de la Compañia Títeres Tenguerengue qui raconte l’histoire du peuple gitan.

S’ils ne sont pas estampillés « jeune public », Tubes ! de Philippe Jamet et ses portraits chantés qui racontent « la vie des autres », Contact de Philippe Decouflé qui relate de façon foutraque la vie d’une compagnie, Light Birds et ses merveilleuses grues de Mandchourie de Luc Petton, et bien entendu La Joyeuse, création tout public de José Montalvo ne manqueront pas de plaire également à un jeune public.

À ne pas manquer, la reprise de Study #3 de William Forsythe, sorte de récapitulatif de l’œuvre de cet immense chorégraphe juste avant qu’il ne quitte définitivement sa compagnie, et le retour de la Batsheva avec deux programmes, Didier Deschamps ayant l’intention d’installer une fidélité importante avec cette formidable compagnie.

On pourra également retrouver Carte Blanche, la compagnie norvégienne que nous avions déjà remarquée dans Not Here, Not Ever (http://dansercanalhistorique.com/2013/06/12/not-herenot-ever-par-la-compagnie-carte-blanche/), dirigée depuis peu par le chorégraphe Hooman Sharifi, ainsi qu'Arkadi Zaïdes un chorégraphe israélien dont les pièces d'une force peu commune, transportent à chaque fois les contradictions les plus aigües de la société israélienne sur un plateau.

Un temps fort Australien à la fin de la saison et un inédit de la chorégrahe canadienne Danièle Desnoyers, complètent, en danse, l’attractivité de cette prochaine saison.

Une saison riche en perspective, qui interroge le monde tel qu’il est, dans son extraordinaire diversité.

 

Agnès Izrine

http://theatre-chaillot.fr/la-saison-2014-2015

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