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La 16e Biennale de la danse de Lyon
La 16e Biennale de la danse de Lyon aura lieu du 10 au 30 septembre 2014, 20 jours pour découvrir toutes les tendances de la danse, en se promenant dans son histoire et toutes ses formes d'expression, avec une multitude de spectacles sur un territoire qui englobe le Grand Lyon et s'étend en région de Valence à Sallanches.
C’est à une 16e Biennale de la danse foisonnante que nous convie Dominique Hervieu, qui a choisi de placer cette édition sous le signe de la diversité du paysage chorégraphique d’aujourd’hui.
On ne trouvera donc pas de thématique particulière mais des fils conducteurs et de subtiles correspondances qui traversent une histoire de la danse traitée à rebours des poncifs et des évidences, bornée par l’arrivée d’un cirque très chorégraphique d’un côté, et de l’autre, par une réflexion sur la performance, à l’origine des bouleversements artistiques du spectacle vivant. Entre ces deux pôles, toutes sortes de croisements, de ramifications et de métissages, qui font de notre danse, conjuguée au présent, un joyeux mélange ouvert à toutes les audaces et tous les styles. « La Biennale de la danse 2014, assure Dominique Hervieu, nous permettra de suivre toutes ces audaces et de comprendre comment se modifie aujourd’hui en profondeur le rapport de l’individu avec la création et avec le monde. »
Avec 45 spectacles, 25 créations ou premières françaises dont 15 « made in Lyon » - c’est-à-dire en résidence – la Biennale de la danse affirme donc clairement le choix de la création, soit le « pari de l’optimisme dans un contexte contraint » selon le mot de sa directrice qui se place, comme pour l’édition 2012, dans une perspective « populaire et expérimentale ».
La programmation très dense s’amuse donc à faire le grand écart tout comme les artistes de notre époque se jouent des codes et des modes.
« Qui aurait pensé que les performers débridés François Chaignaud et Cécilia Bengoléa créeraient une chorégraphie sur pointe et avec orchestre pour les danseurs du Ballet de l’Opéra de Lyon ? Qui aurait pensé que l’espagnolissime Carmen retrouverait toute sa sensualité dans le corps d’une danseuse sud-africaine phénoménale, Dada Masilo ? Qui aurait pensé que cinq performances féministes des années 70 se transformeraient en spectacle de magie ? Qui aurait pensé que le jeune chorégraphe Benjamin Millepied, qui court du cinéma à la scène, féru de musique contemporaine et de danse hip-hop, deviendrait directeur du Ballet de l’Opéra de Paris ? » écrit Dominique Hervieu en préambule de cette 16e édition.
Celle-ci ouvrira donc avec éclat d’abord par un spectacle qui frappe fort de Lloyd Newson et de sa compagnie DV8 sur le thème de l’homophobie, John, qui apporte le réel d'un documentaire sur le plateau. Il est suivi d’un programme du Ballet de l’Opéra de Lyon qui ne craint pas de faire se partager l’affiche à Jiří Kylián, François Chaignaud et Cécilia Bengoléa, Emanuel Gat, accompagnés par l’orchestre de l’Opéra de Lyon, pour un programme aux esthétiques extrêmes mais rassemblées par un même souci de l’écriture chorégraphique.
Au chapitre « très attendues » les créations de Maguy Marin, William Forsythe et Kader Attou, le nouveau programme du L.A Dance Project de Benjamin Millepied et la reprise de C’est du théâtre comme c’était à espérer et à prévoir, pièce mythique d’une durée de huit heures de Jan Fabre.
Le parcours performance
Au cœur de cette édition de la Biennale, la performance se décline dans la multiplicité de ses formes pour en dégager la puissance revitalisante qui irrigue des gestes d’hier les actes d’aujourd’hui. Sa fonction subversive se déplaçant sans cesse au cours de son histoire qui traverse tout le XXe siècle, ses réactivations permettent, par exemple, de relire et de relier les discours de prétendue rupture ou d’avant-garde à l’aune des mots d’ordre déclinés suivant les époques. Car la performance est avant tout un art polymorphe qui a la faculté de retourner les concepts et les valeurs.
C’est donc à un voyage dans le temps que nous invite cette programmation en convoquant l’un des premiers happenings dadaïste des années 1920, Relâche, des Ballets Suédois (Satie, Picabia, Börlin, René Clair) repris par le Ballet de Lorraine (http://dansercanalhistorique.com/2014/03/25/paris-new-york-paris-en-lorraine/), ou en revenant sur l’aventure du groupe lyonnais Frigo ou de l’Espace Lyonnais d’Art Contemporain (l’ELAC) de l’orée des années 80 grâce à l’invitation faite à Gérard Couty, Alain Garlan et d’autres acteurs de cette période pour une projection commentée de leurs performances. http://dansercanalhistorique.com/2014/08/28/le-groupe-frigo/ , sans oublier de voir le film de Marina Abramovic The artist is present http://dansercanalhistorique.com/2014/08/28/marina-abramovic-the-artist-is-present/
C’est également dans ce cadre que se place Jan Fabre qui revient mettre à l’épreuve sa pièce fleuve donnée en 1983 dans la même ville. Dans ce même parcours performatif, on trouve Anne Juren et Annie Dorsen qui reprennent les postures cultes de Yoko Ono, Marina Abramovic, Carolee Schneemann, Valie Export et Martha Rosler… mais en les revisitant par la magie dans Magical, François Chaignaud et sa revue pour un seul personnage, Думы мои, (http://dansercanalhistorique.com/2013/07/09/%D0%B4%D1%83%D0%BC%D0%B8-%D0%BC%D0%BE%D1%97-dumy-moyi-de-francois-chaignaud/) le film de Marina Abramovic The artist is present, Love de Latifa Laâbissi et Loïc Touzé qui prétend travailler « avec le pire de la danse contemporaine » en la tirant du côté du burlesque et du cabaret – que l’on retrouve d’ailleurs comme collaborateur de la compagnie de haute voltige XY et ses 22 acrobates ! Mais les liens sont infinis. Comment ne pas associer Mouvement sur mouvement de Noé Soulier à la mouvance performative quand il s’auto-manipule pour parler/faire de la danse ? (http://dansercanalhistorique.com/2013/10/22/noe-soulier-mouvement-sur-mouvement/) Ou dans le Untitled_I will be there when you die d’Alessandro Sciarroni qui, après avoir mené les danses bavaroises à épuisement (dans FOLK-S ), s’empare du jonglage et de la « gravité » pour nous parler des masses et de la légèreté de l’être ?
Mais la performance est aussi « à vivre » dans cette Biennale, avec la performance d’Ambra Senatore qui met aux enchères les actes de la vie quotidienne, l’installation « vivante » de France Distraction dans les Thermes imaginées par Belinda Annaloro, Antoine Defoort, Julien Fournet, Halory Goerger, Sébastien Vidal qui nous promettent des plongées philosophiques dans un bain d’aphorismes stoïciens et 25000 balles de plastique souple ; ou encore expérimenter les « Freeze » en vous inspirant des images qui servent d’affiche pour cette Biennale, soit Men in the Cities de l’artiste Robert Longo (http://dansercanalhistorique.com/2014/08/26/performez-vous-a-la-biennale-de-la-danse-de-lyon/).
Le parcours cirque
Né juste après la Nouvelle danse des années 80, le nouveau cirque fait son apparition dans le monde de la création contemporaine. Jouant avec la notion d’excellence ou de virtuosité, ils construisent de surprenants collages, des spectacles souvent inclassables à la marge de diverses influences : danse, théâtre, expression gestuelle, renouvelant les « écritures de plateau » entremêlant leurs pratiques d’éléments surprenants, dévoyant leur art et leurs agrès pour d’autres fulgurances.
À voir donc, lors de cette Biennale, Il n’est pas encore minuit de la compagnie XY (déjà citée), Yoann Bourgeois et son univers étrange où tout peut basculer et votre cœur chavirer (Celui qui tombe), Alessandro Sciarroni qui fait déraper un numéro de jonglage ou Claudio Stellato qui invente une danse d’appartement burlesque avec des meubles qu’il construit lui-même dans L’Autre, sans oublier James Thierrée et son Tabac rouge, ni danse, ni cirque, mais « choréodrame » muet et « fantatisco-toxique ».
Comme pour le parcours performance, un atelier vous permet d’explorer le monde du cirque avec une vidéo conférence ou de le vivre en participant. L’atelier du joueur vous offre d’expérimenter l’équilibre précaire avec Yoann Bourgeois (http://www.biennaledeladanse.com/participez/l-atelier-du-joueur.html), et la Résidence ouverte par Claudio Stellato vous font entrer dans l’envers du décor de son travail les 30 septembre et 1er octobre à 19h.
Diversité des esthétiques
Pour le reste des spectacles, La Biennale de Lyon reste fidèle à la diversité esthétique inscrite dans on ADN qui fait se rencontrer la danse engagée de la sud-africaine Robyn Orlin associée à James Carlès (Coupé Décalé) et la recherche subtilement politique de Maud Le Pladec, Planites qui fait danser les mouvements migratoires et relever un pays à genoux de la grecque Patricia Apergi , mais aussi du flamenco avec la sublime Rocio Molina, une création de danse odissi « augmentée » de percussions occidentales (Sama, d’Arushi Mugdal et Roland Auzet) et, puisqu’on en est aux frappes, Pierre Rigal s’allie à Hassan Razak spécialiste de percussions corporelles dans Bataille. Au chapitre rencontre du corps et du son, on ne manquera pas Ply de Yuval Pick (http://dansercanalhistorique.com/2014/06/16/yuval-pick-et-ashley-fure-ply/) ou la version de Récital à 40 de Mourad Merzouki.
On pourra également voir deux spectacles tirés d’Homère avec Daniel Jeanneteau, Faits (fragments de l’ « Iliade ») et Tânia Carvalho Weaving chaos (sur l’Odyssée) ainsi qu’un itinéraire artistique et participatif hors les murs intitulé La Traversée du chaos. Traversée aussi pour Nacera Belaza, mais spirituelle cette-fois, corps grotesques pour la compagnie Propagande C, humour discret pour la création d’Ambra Senatore, rencontre au sommet entre les gars de N’Djamena et ceux de Soweto (African Delight) et hip hop à message pour un autre tchadien, Rodrigue Ousmane dans Leda, constituent le tout de cette programmation aussi riche et haute en couleur qu’un inventaire à la Prévert. Manque juste un raton laveur !
Agnès Izrine
http://www.biennaledeladanse.com/
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