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Entretien Daniel Favier
Nous avons rencontré Daniel Favier pour qu’il nous parle de Sens Migratoire, 18e Biennale de la danse du Val-de-Marne.
Danser Canal Historique : Quelles sont l’histoire et la mission de la Biennale de danse du Val-de-Marne?
Daniel Favier : Le festival a été fondé par Michel Caserta en 1979 dans les théâtres du département. Une vingtaine de théâtres sont partenaires depuis plus de trente ans. Nous pouvons donc présenter des spectacles de danse sur l’ensemble du territoire.
DCH : Nous sommes donc en plein dans l’histoire de la fameuse décentralisation, ce qui montre qu’on peut aussi décentraliser aux portes de Paris.
Daniel Favier : Tout à fait ! Les théâtres en question sont très bien équipés et ont de beaux plateaux, mais chez les Parisiens, il y a toujours cette peur de franchir le périphérique, et les programmations sont excellentes. En plus ils prévoient souvent des navettes au départ de Paris et il est moins difficile qu’à Paris de trouver des places. Par ailleurs, ces lieux pour le théâtre, la danse et les arts visuels ont été obtenus de haute lutte par les populations locales.
DCH: On pourrait qualifier la programmation de généraliste, notamment parce qu’elle inclut un volet qui se penche sur l’histoire de la danse et qu’elle présente autant les chorégraphes qui marquent le paysage actuellement et d’autres qui le feront sans doute à l’avenir.
Daniel Favier : En effet, nous avons été très attentifs à ce que l’histoire soit également présente. On peut dire qu’il y a aujourd’hui quatre générations de danseurs contemporains qui sont actifs. Il est important que le public voie et comprenne, au-delà des compagnies confirmées, ce qui est émergeant. Nous voulons surtout montrer que la danse contemporaine a mille facettes et qu’elle est facile à aborder pour le spectateur.
DCH: Chaque édition de la Biennale est traversée par une thématique. Après Bestiaires et fantasmagories en 2013, l’édition actuelle se penche sur la migration,
Daniel Favier : Le but de Sens Migratoire est de prendre le contre-pied par rapport à ce discours violent qu’on entend au sujet des migrants et des frontières. D’où l’idée de proposer à des artistes de croiser leurs regards sur la migration. Les artistes ne sont-ils pas les premiers des voyageurs ? L’art est d’abord nomade et la danse en particulier, puisqu’elle se nourrit de toutes sortes d’influences aux origines les plus diverses.
DCH : Vous articulez la thématique autour d’un projet-clé, Migrant Bodies, création multi-disciplinaire et internationale.
Daniel Favier : Migrant Bodies se penche par exemple sur la question de la migration forcée comme celle de l’esclavage. Le corps est le dernier espace qui peut conserver la liberté à bouger, même dans des situations très contraintes. Les artistes vont donc s’emparer de la thématique à travers d’autres types de rencontres. Migrant Bodies se tisse entre Vancouver, Montréal, Bassano del Grappa en Italie, Zagreb en Croatie et Vitry-sur-Seine. Chorégraphes, écrivains et artistes visuels se déplacent donc vers ces différents lieux pour y rencontrer des associations de migrants, des juristes, des activistes et autres. Les artistes rencontrent la société civile. On verra le résultat le 21 mars à la Briqueterie dans un spectacle-parcours de deux à trois heures. L’entrée sera libre.
DCH : Quel rôle joue pour vous le regard des chorégraphes sur le monde actuel, le vivre-ensemble et la cité?
Daniel Favier : Les spectacles sont des miroirs de notre société et c’est crucial. Toutes les questions qui ont trait au corps et au langage par lequel il est investi sont extrêmement politiques. Ce sont des questions qui concernent tout le monde.
Propos recueillis par Thomas Hahn