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« Petits morceaux du réel » de Sébastien Lefrançois

 

« Ils sont venus dans les vestiaires pour contrôler la fluidité de nos mouvements, pour enlever les gestes parasites ! » L’ouvrière-clown s’indigne. On ne sait si elle parle des contremaîtres de son usine ou des artistes chorégraphiques.
Petits morceaux du réel contient bel et bien des éclats de conflits sociaux, ramassés sur place par Sébastien Lefrançois et ses danseurs. Ensemble ils sont allés observer le quotidien et les gestes des ouvriers, entre autres à l’heure d’une lutte sociale à Aulnay-sous-Bois, sur le site de PSA. « J’étais impressionné par leur esprit de solidarité et leur volonté de préserver leur dignité, » dit Lefrançois.

Galerie photo : Laurent Philippe

Qu'en reste-t-il ? Au final l'équipe tire de ses visites "au front" une pièce plutôt comique qui débute par une formidable série de gags et un geste chorégraphique tout à fait efficace. Mais une journée de travail commence souvent par un bel élan, pour terminer en queue de poisson. Et Petits morceaux du réel pourrait justement décrire une journée à l'usine.
Peintre, soudeur, chef de service, technicienne de surface et les autres dévoilent autant de chamailleries ou de rêves d'amour que de querelles au sujet de leurs conditions de travail. Des inhibitions sexuelles du superviseur aux gestes de révolte, la subversion de cette création se cache où on ne l'attend pas, à savoir dans le refus d'éliminer le "geste parasite".

Serait-ce la danse elle-même ? Petits morceaux du réel aurait fait une belle pièce de théâtre gestuel, si la production ne se situait pas intégralement dans le champ chorégraphique, du festival Suresnes cités danse au ballet du Nord, en passant par le CDC La Briqueterie.
Entre mime et hip-hop, le lien passe par une mécanique du mouvement, dans des enchaînements répétitifs qui sont une base nécessaire, mais que l'on se doit de faire disparaître dans la spontanéité des personnages et des situations. Ces exercices schématiques ne sont ici pas camouflés mais "téléphonés" de bout en bout, si bien qu’à l'autre bout de la ligne, le spectateur attend en vain une fraîcheur à la Jacques Tati.

Galerie photo : Laurent Philippe

La danse ne cesse de parasiter ce qui était pourtant bien parti, notamment grâce à la clown Muriel Henry, pour nous faire rire. La danse, quant à elle, n'a pas pour vocation d'agiter le diaphragme, mais de mesurer le temps. Quand Lefrançois met tout le monde dans un mouvement collectif, ce geste réussit parfaitement. Pourquoi ne pas s’y consacrer de bout en bout ?
Certes, la pièce a beaucoup gagné en matière de cohésion et de rythme depuis sa création au Théâtre Jean-Vilar de Vitry-sur-Seine (à ne pas confondre avec la maison éponyme de Suresnes) en novembre 2014. Mais la danse peine à endosser le rôle de ressort comique. Aussi, elle ne cesse de bloquer une machine pourtant bien partie vers le burlesque. Le réel de la chaîne de montage donne finalement raison aux chasseurs de gestes parasites.
Thomas Hahn
http://traficdestyles.canalblog.com/

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