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Frederico segun Lorca d’Eva Yerbabuena

Yerbabuena rend hommage à Frederico Garcia, sans l’écraser sous l’admiration. Une gageure. « Frederico  segun Lorca » ne raconte pas la vie du poète, et propose pourtant un véritable théâtre de danse, basé sur flamenco et danse contemporaine. Tableau par tableau, la pièce se déroule devant un mur de pierre qui peut, selon les projections vidéo, rappeler l’église du village, la maison (sans doute celle de Bernarda Alba) et autres. Et Yerbabuena de jouer la mère, toute de noir vêtue, dans un registre très dramatique, plein de suspense et dansé dans un esprit proche de celui d’Israel Galvan, mais en plus arrondi, plus fluide. Chaque mouvement est une révélation, chacune de ses attitudes semble jaillir de la terre pour brûler ou pétrifier l’entourage. Elle incarne là toute la violence refoulée dont la société rurale dont Lorca parlait si bien. Mais la Yerbabuena est fortement défiée par deux autres solistes, au cours de la fête du village. Et même ce tableau, le plus traditionnel et réaliste de tous, est dégagé de tout folklore. Chaque partie a par ailleurs un rapport au rituel, qu’il s’agisse de confession, de rencontres nocturnes ou d’envols oniriques. Chanteurs, musiciens et danseurs se complètent à merveille. Et on sortirait de là comme sur un nuage, si le format du spectacle adoptait plus de modestie. Quand Yerbabuena a dansé son majestueux solo dans lequel elle expie tous les démons de l’Espagne, dans lequel elle montre une fois de plus à quel point elle sait dynamiser la réinterprétation contemporaine de la tradition, qu’y a-t-il à rajouter? La beauté d’un hommage ne dépend pas de sa durée!

Thomas Hahn

Vu au Théâtre national de Chaillot, le 21 juin 2013

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