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« Almasty » de Myriam Gourfink
Dans ce nouveau solo créé aux Hivernales 2015, Gourfink traverse, comme à son habitude, les paysages sonores générés en direct par Kaspar Toeplitz. Le compositeur et musicien se tient derrière une table. À travers le son, il fait corps avec l’être féminin qui se love à ses pieds.
Dans ses pièces de groupe, Gourfink jouait dernièrement la carte d’une lente traversée collective de l’espace. Ici, elle évolue, seule, sur un carré de tapis de danse collé au centre du plateau. Elle ne le quittera pas, et on le sait dès la première de ces cinquante minutes. Et pourtant on ne la quittera pas des yeux.
L’apparente lenteur cache une recomposition permanente du corps, des perspectives qui évoluent imperceptiblement et pourtant d’une rapidité confondante. Et pourtant, jamais on n’aurait songé à Almasty, créature effrayante et poilue, selon ceux qui prétendent l’avoir aperçu un jour. Pourquoi y fait-elle référence?
Créature mythique, pendant caucasien du Yeti, l’Almasty est insaisissable. La Gourfink aussi. Bien qu’elle ne se déplace pas, bien qu’elle ne cache aucune partie de son corps, l’œil ne parvient pas à la saisir. Successivement elle en mettra en exergue le moindre endroit de son corps. Chaque cellule reçoit son quart de seconde de célébrité, chaque partie, même un pied, peut se trouver au centre de la pensée corporelle qu’elle déploie. Et pourtant, aucune image ne saurait représenter l’être furtif qu’elle incarne ici.
Sans parler du visage ! Les cheveux gominés, le maquillage devenant presque un masque, comme pour une couverture de magazine. Il pourrait s’agir d’un personnage de manga, tombé dans Second Life et manipulée depuis un ailleurs. Et pourtant ce visage laisse entrevoir que quelque chose d’intense se joue à l’intérieur. Almasty aussi a des sensations et des émotions !
On ne trouve pas chez Gourfink la fluidité et le naturel que possède une Maureen Fleming dans le même exercice de pliage et repliage du corps. Chez Gourfink, on pourrait songer à un exercice de Cunningham qui aurait repris ses recherches sous Life Forms pour trouver des mouvements qu’on ne peut imaginer que dans la liberté d’un univers dématérialisé. Mais la sensibilité de Gourfink est comparable à celle de Fleming et se transmet également par les choix musicaux. Aussi, Toeplitz dévoile ici des facettes étonnamment douces, envoyant comme des vents cosmiques. Ou bien est-ce le vent du Caucase ?
Thomas Hahn
Création mondiale le 27 février 2015 à Avignon, Théâtre des Carmes, Les Hivernales 2015
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