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Paco Dècina en création
Depuis toujours passionné par le lien entre l’homme et la nature, le chorégraphe Paco Dècina est parti s’immerger durant quatre mois sur les îles Crozet qui constituent l'un des cinq districts des Terres australes et antarctiques françaises. « Je voulais savoir quels étaient les effets qu’une terre non contaminée pouvait provoquer sur notre organisme et en quoi la douceur d’un tel lieu plutôt inhospitalier peut être considéré comme un remède et une antithèse de la violence imposée par notre société actuelle ».
Seul artiste sur ce bout de terre occupé uniquement par une trentaine de militaires et scientifiques, Paco Dècina a été émerveillé par une faune composée de quatre espèces de manchots, d’albatros, de pétrels, de goélands dominicains et surtout de mammifères marins tels les otaries, éléphants de mer et orques qui l’ont largement inspiré pour sa pièce. Il y a aussi recueilli une multitude de sons entre pluie, vent violent, vagues, hélicoptère et crissements de pas sur le tapis végétal.
C’est donc empli d’une rare sérénité que le chorégraphe a élaboré « La douceur perméable de la rosée », une pièce toute en immersion où le corps semble libéré des rigueurs de la pesanteur.
Alors qu’au fond du plateau, un mur fait de tôles ondulées reflète des vidéos, trois danseurs athlétiques se déploient avec une souplesse et une lenteur qui fait songer à des plongeurs sous-marins, sauf qu’ils ne sont pas dotés de bouteilles emplies d’air. Ils nagent comme des otaries, jouent entre eux et expriment une intense liberté du corps à se mouvoir comme ils veulent. Par moment l’un ou l’autre passe sous le décor afin de prendre un peu d’air pour mieux replonger ensuite et rejoindre ses copains. Nous sommes dans un milieu aquatique où rien n’est violent ni agressif. Il y règne une certaine forme de paix et de respect.
Mais soudain l’homme devient présent et cette quiétude envoutante se transforme en drame. Il attrape violemment un animal marin, l’endort alors qu’il se débat, puis le transporte sans ménagement sur une table pour le tatouer d’une croix bleue et lui insérer une puce. Finie la liberté, la bête est marquée à jamais par l’homme.
On assiste aussi à une bagarre entre deux éléphants de mer, à des duos et trios magnifiques dont l’écriture chorégraphique est léchée et très bien étudiée. Plusieurs tréteaux dessinent différents lieux ou flore marine. Les danseurs s’en amusent, s’en servent pour se protéger ou pour délimiter leurs camps. La grande force du chorégraphe est qu’il laisse le spectateur déployer toute son imagination. Seuls les sons et les images projetées permettent d’établir la réalité du climat, c'est-à-dire très pluvieux mais jamais glacial, ainsi que la présence de l’homme.
« La douceur perméable de la rosée » se termine sur terre avec une table dressée par des hommes déguisés l’un avec une perruque blonde, l’autre avec un nez rouge de clown. On pense à la difficulté pour ces militaires et scientifiques à vivre en autarcie avec eux-mêmes pour seule distraction.
Grâce à une technique infaillible des interprètes qui maîtrisent leurs corps à la perfection, à une danse toute en souplesse et très liée ainsi qu’au thème fort original, la dernière création de Paco Dècina est poignante, sensible et splendide. Elle délivre un message de paix, de calme, de bien-être. C’est un ensorcelant voyage au sein des terres australes.
Sophie Lesort
« La douceur perméable de la rosée » de Paco Dècina interprété par Vincent Delétang, Jérémy Kouyoumdjian et Sylvère Lamotte
Création lumière Laurent Schneegans, création son Fred Malle, création vidéo Serge Meyer
En tournée
Le 25 février aux Hivernales d'Avignon
les 5 et 6 mars au Théâtre 71 de Malakoff
Tournée à partir de l’automne 2015 : octobre, Le rive gauche à Saint-Etienne-du-Rouvray : novembre, Festival Total Danse de La Réunion ; décembre, à Saint-Herblain (Onyx), au Théâtre de Ville à Saint Barthélémy d’Anjou et au Grand R de La Roche-sur-Yon
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