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« Les Solis Noirs » d’Yvann Alexandre
Non, on n’y entend pas le fameux Paint it black des Rolling Stones, tant adapté par d’autres groupes. Par contre, il y a bien des remake de Joy Division et New Order, deux groupes adeptes du flirt avec le néant.
La surprise est d’abord chromatique: Les Solis Noirs ne le sont pas tant que ça et se dansent sur un sol blanc ! Mais ils expriment ce désir de noir que chantaient également des peintres comme Soulages et Rothko, auquel Alexandre fait référence.
La scène se présente tel un Tangram. Divisée en plusieurs espaces triangulaires par des paravents transparents, elle se présente ici comme la forme la plus réduite du labyrinthe. D’emblée, nous sommes dans l’outre-noir, plus que dans la Chapelle de Rothko.
Le noir est une invitation à plonger, un appel de l’inconnu. Aussi, il peut ici apparaître sur les mains qui peuvent à leur tour disparaître en formant un trou noir dans l’espace. Le noir n’y est pas un aboutissement du néant, mais une matière à débat, pas esprit de chapelle mais d’ouverture.
Claire Pidoux, Steven Berg, Yvann Alexandre, Anthony Cazaux et, attention : Christian Bourigault (himself !) se passent le relais, dans cinq portraits dansés très ouverts aux interprétations. Donneraient-ils à voir cinq manières de se laisser traverser par le noir qui règne dans la chapelle de Rothko, comme Kazuo Ohno dansait jadis son émotion face à La Argentina ?
Claire Pidoux dans un registre plutôt abstrait et graphique, tout en ressentant une vraie pesanteur face à laquelle elle chercherait une ligne de défense chorégraphique. Puis Steven Berg, plutôt en lutte et rébellion, la part sauvage cachée sous la cravate, cette animalité qui se fait place, même si le remixage du post-punk, trop sage et synthétique, ne porte pas de façon crédible le propos.
Lui succède Yvann Alexandre, comme absorbé, méditatif, plié, attiré par le sol, suivi d’Anthony Cazaux cherchant la communication, que ce soit avec lui-même ou un tiers, invisible. Il y a chez lui une idée de jouissance dans l’abandon, de quête d’envol, d’une soif à assouvir fut-ce en buvant de la peinture noire. Où l’on voit que Josef Nadj n’a pas le monopole du corbeau…
En final, c’est Bourigault qui ouvre la voie vers la paix intérieure, la simplicité et la sérénité, avec cette même légèreté qu’on lui connaissait en tant qu’interprète de Bagouet ou Duboc. C’est lui qui trouve la sortie du labyrinthe, qui entre en paix avec le noir, mais pour y arriver il lui faut encore une fois rappeler les états et quêtes de tous.
Les Solis Noirs sont donc une autre manière de concevoir la lumière, autant scénique qu’intérieure. Malgré leurs différences, ils forment un ensemble aussi cohérent que poétique, d’une écriture précise et personnelle qui permet à chaque interprète de développer une grande intensité.
Thomas Hahn
Créé le 9 février 2015 à Paris, Micadanses, festival Faits d’hiver
Les Solis Noirs d’Yvann Alexandre
Interprètes : Yvann Alexandre, Steven Berg, Christian Bourigault, Anthony Cazaux, Claire Pidoux
Tournée :
27 février : Les Herbiers, Théâtre Pierre Barouh
3 mars : Montpellier, La Chapelle Gely
12 mars : Bressuire, Le Théâtre
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