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Ramirez/Wang/Molina : « Felahikum »

Au sol, le symbole. Un miroir brisé. Par qui ? Honji Wang se tient sur les éclats de verre, mais c'est plutôt Rocio Molina et son zapateado qu'on tiendrait pour responsable, plus que la Coréenne, plutôt féline et aérienne.

L'image du miroir s'est imposée d'elle-même dans ce duo qui joue sur la très étonnante ressemblance physique et physionomique entre l'Espagnole et la Coréenne. Au début de leur jeu troublant, elles semblent ne faire qu’une. Tableau par tableau elles vont gagner en autonomie. Provocations, défis et autres jeux témoignent du déchirement à lutter avec une part de soi, faite de désirs et de souvenirs.

Plier pour ne pas rompre

Rien ne laissait présager que cette rencontre aurait lieu un jour. Aussi, la logique de l'individuation progressive est irréfutable, puisque chacune a développé, au cours de sa carrière, une voie très personnelle à l'intérieur de son univers chorégraphique. Si Molina élargit le champ de vision du flamenco par des transgressions esthétiques improbables. (lire notre article), Wang fait plier le hip-hop tel un roseau.

Fusion, profusion ou évasion? Il fallait trouver une réponse face à la force du flamenco, qu'elle soit physique ou acoustique. "Une danseuse flamenca est un instrument de musique en soi, contrairement à ma propre danse qui est silencieuse. Comment pouvais-je répondre à la force du zapateado ? J'ai cherché la fluidité." Réponse naturelle pour Wang qui s'inscrit dans une identité culturelle asiatique, même si cette ex-B-Girl a grandi à Berlin.

Autre élément de réponse: Son autodérision. Wang semble parfois mettre en scène sa propre recherche d'une riposte, dans un regard sur elle-même qui rappelle la véracité de ses duos avec Sébastien Ramirez, son partenaire et compagnon, qui assume ici la direction artistique.
Pour la première fois, Wang aborde la forme du pas de deux sans lui. C'est en voyant Ramirez/Wang à Séville, dans leur duo AP 15, que Molina eut la prémonition d'une rencontre artistique à grand potentiel. Qu’elle, déjà chorégraphe reconnue dans le monde du flamenco, accepte ici de suivre les propositions artistiques de Ramirez/Wang en dit long sur son esprit d’ouverture.

Photos @  Ghostographic

Habillées de Yin et de Yang
Les costumes, véritable recherche sur le fond et la forme, soulignent au maximum l'appartenance et l'arrachement mutuels. Une tenue noire et serrée faisant écho à une autre, blanche et aérée, les deux sont distribuées sur les deux corps, comme pour évoquer le symbole du Yin et du Yang.

Cette dualité n'est donc pas étrangère à leur jeu autour du dédoublement. En soulignant la polarité des deux énergies, Wang parvient à exister face à la puissance tellurique de Molina, représentante d'une tradition toujours réinterprétée avec ses codes plus définis, plus anciens mais aussi plus pesants qu'en hip-hop. Car la danse urbaine a, quant à elle, intégré dès le départ la liberté de créer des éléments chorégraphiques personnels où chacun(e) réclame le copyright de ses pas et enchaînements.

Le sol et le son
Mais hip-hop et flamenco ne sont pas sans partager certaines valeurs. Au-delà du lien intense avec le sol, les deux peuvent engager une sorte de lutte avec le public et cherchent la transmission directe d'une énergie. Côté flamenco, cela passe aussi par la présence obligatoire de musiciens sur scène. Leur absence est ici un des défis majeurs pour Molina. "Danser sur des musiques enregistrées m'a posé problème, autant que la nécessité de baisser le rythme, sans perdre l'âme du flamenco," reconnaît-elle.

Ces dernières années, la rencontre entre le flamenco et d'autres formes s'est imposée comme une figure majeure, avec des duos au sommet comme Carolyn Carlson avec Eva Yerbabuena, Andres Marin avec Kader Attou et bien sur Israel Galvan avec Akram Khan. Tous ces dialogues se sont révélés fructueux, mais celui entre Molina et Wang a ceci de particulier qu’il se noue entre deux interprètes-chorégraphes qui sont chacune à la recherche d’une voie nouvelle. Cela rend ce Felahikum (terme attribué à la désignation du flamenco en arabe) plus fragile, mais aussi plus ouvert.
Thomas Hahn
Création mondiale : 22 janvier 2015, à l’Archipel, Perpignan
La Compagnie Sébastien Ramirez bénéficie du soutien de la Fondation BNP Paribas pour le
 développement de ses projets.
En Tournée :
5 et 6 mars 2015 : Mercat dels flors, Barcelone
18-19 mars Théâtre national de Chaillot, dans le cadre de la Biennale d’art flamenco
31 mars Le Cratère, scène nationale d’Alès
 
Distribution
Direction artistique et chorégraphie Sébastien Ramirez
en collaboration avec Honji Wang
Composition Jean-Philippe Barrios alias "lacrymoboy"
avec la participation de Christophe Isselee (guitares), Cynthia Floquet et Katy Heiting (chants), Rocío Molina et Honji Wang (voix)
Extraits musicaux To Know this d'Alice Russel, Drumming (Part II) et Typing Music [Genesis XVI] de Steve Reich
Lumières Jani-Matti Salo
Régie lumière Cyril Mulon
Scénographie Thomas Pénanguer
Styliste Soo-Hi Song
Réalisation costumes en collaboration avec Catherine Argence
Avec Rocío Molina et Honji Wang
Coproduction Théâtre de l'Archipel, scène nationale de Perpignan (dans le cadre d'un accueil en résidence de création) / Steps, Festival de Danse du Pour-cent culturel Migros (Suisse) /Mercat de les Flors (Barcelone) / Le Théâtre*/Scène Nationale de Narbonne
Soutiens : Conseil Régional Languedoc-Roussillon / Avec le concours de la Préfecture de région du Languedoc-Roussillon – Direction régionale des affaires culturelles / Conseil général des Pyrénées Orientales
La Compagnie Sébastien Ramirez - Clash66 reçoit une aide à la compagnie de la Préfecture de région du Languedoc-Roussillon – Direction régionale des affaires culturelles, du Conseil
Régional Languedoc-Roussillon ainsi que du Conseil général des Pyrénées Orientales.

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