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Maud Le Pladec et Okwui Okpokwasili : « Hunted »

«Je… Je… Je… Je suis… eh bien… Que suis-je ?... Affamée. Quoi d’autre ? Le sang battant dans mon périnée – le détroit qui relie mon cul à ma chatte. Qu’y a-t-il entre les deux ? Tout ceci nous entremêle comme des membres arrachés, comme des brindilles cassées formant un tas uniforme et désespéré »

Okwui Okpokwasili  profère ce texte, elle émerge de l’ombre sa voix se fait furie, comme au rebours d’immenses mouvements à surmonter. Car elle a quelque chose de grandiose par le volume des images auxquelles elle donne son expression. Avec sa robe de cheveux noirs, aussi À la fois d’une simplicité terrifiante, et d’une singularité abrupte. Interminable quand ses bras se déploient, affolante quand elle rit, sans borne quand elle danse, soulevant par le torrent de ses mots l’horreur et l’injustice subies par ces prétendues sorcières, femmes avant même d’être rebelles.

« De 1500 à 1660, l’Europe vit entre 50 000 et 80 000 sorcières présumées se faire exécuter. Cette période fut également marquée par l’augmentation du travail salarié, la privatisation des terres, l’engrangement de la nourriture par les commerçants, les proto-capitalistes […]Combien de ces dizaines de milliers de femmes étaient des mères forcées de voir leurs enfants mourir de faim ? […]Combien d’entre elles étaient de simples teigneuses, tendant des embuscades aux camions de grain, espérant faire une miche de pain ? »

Avec sa robe de cheveux noirs, elle plane, aussi inquiétante et sombre que les Blackbirds de Kalevi Aho, ces sonates pour accordéons où l’air se fait friction, puissance des abysses ou sussurement. Il y a du râle dans ces instruments mais aussi des ressacs presque maritimes. Le corps d’Okwui se tord et se plie, ondule soudain, comme déchaînant une sensuelle panique, figure inquiétante et brisée qui rappelle, au détour d’un poignet anguleux la Sorcière campée par Mary Wigman, mais aussi celle de Valeska Gert avec ses grimaces grotesques et ses gestes qui frisent l’obscène

Elle est la femme inconnue, ambivalente et suspecte dont le corps dérange. Elle est ce vent de folie qui parcourt son échine et déclenche un frisson venu tout droit des enfers. Elle est la sorcière, de celle que l’on chasse et que l’on pourchasse encore et encore.

 

Agnès Izrine

27 au 31 janvier 2015 - Les Subsistances, Festival Aire de Jeu

Lire aussi notre entretien avec Maud Le Pladec

Hunted

Conception : Maud LE PLADEC, Okwui OKPOKWASILI
Texte, chanson et interprétation : Okwui OKPOKWASILI
Lumières : Nicolas MARC
Costumes : Alexandra BERTAUT
Répétition voix : Dalila KHATIR
Musiciens live : Jean-Etienne SOTTY, Fanny VICENS
Sur une musique de : Kalevi AHO
Accordion sonata n 2, black birds,
II “birds of the night” ;
I “birds of light” ;
V “black birds”;
IV “birds of desolation”
arrangée pour deux accordéons par Jean-Etienne Sotty et Fanny Vicens

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