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« Hantologie » par le Groupe Entorse
Avec le Groupe Entorse, l'accident reste le moteur de tous les possibles. Autrement dit, Raphaëlle Latini et Samuel Lefeuvre sont hantés par l'imprévisible. Hantologie nous promet une séance où quelque chose pourrait échapper au contrôle. Et le public serait au cœur de ces frissons !
Déjà, on n’est pas assis. On marche autour d’un échafaudage, et dans une main on tient une petite lampe. Ici c’est le public qui éclaire les techniciens qui s’activent dans, sur et autour d’une structure, avec ses câbles et projecteurs. Tout ça n’inspire pas forcément confiance. Il y a de l’électricité dans l’air…
Lefeuvre, de son temps chez Peeping Tom, n’a jamais refusé une prise de risque acrobatique. Son premier grand succès avec Latini, Accidens (ce qui arrive) déclinait les cataclysmes, de façon atmosphérique et sans les nommer.
Hantologie est plus concret. Possession, exorcisme, magie noire ou spiritisme ne se traversent pas mais se succèdent. Dans ses chiffons d’un autre temps (romantique), Florencia Demestri apparaît tel un fantôme animé par des lumières verdâtres, dans une partition qui serait parfaite pour une danseuse de butô.
On est un peu chez Frankenstein, dans un laboratoire où Lefeuvre fait passer son énergie vitale dans ce corps de chrysalide venu d’outre-tombe. Le public se déplace dans la pénombre et les plus actifs participent, font des expériences tactiles, prennent contact avec les performers ou avec d’autres spectateurs.
Mais on sait trop bien que malgré tout, ceci n’est qu’un jeu. À la fin, tout le monde forme un cercle et agite les bras en unisson. Pour tenter quelle aventure ? Qui y croit vraiment ? Qui s’en amuse ? À qui cela rappelle-t-il ses plus jeunes années ? Où Lefeuvre et Latini veulent-ils nous amener ?
À y regarder de près, on les accompagne au cœur des contradictions de leur démarche. Les techniciens et Latini elle-même produisent une ambiance de tournage où Latini, en tant que directrice technique du chantier en cours, mixe le son en direct. La distanciation créée par ce « making of » est trop présente pour qu’on se laisse emporter comme par un vrai rite. Dommage aussi qu’elle n’ouvre pas la porte vers un traitement plus ironique, ce qui permettrait de s’en amuser.
Et puis, quel rôle pour le son ? Latini choisit ses vinyles et règle son mixage sans en faire une partie de la cérémonie. Ainsi pleinement visible dans son processus de création, l’univers sonore cesse d’être une musique intérieure. La création sonore en direct est symbole de maîtrise et de libre arbitre, alors que le sujet de la soirée est la perte de contrôle.
Tout le problème est là. Créer un spectacle oblige à maîtriser les événements qui se produisent. Jusqu’où peut-on lâcher du lest et ouvrir la porte à l’incontrôlable ? Cette nouvelle aventure du Groupe Entorse a le mérite de prouver que Lefeuvre et Latini cherchent à échapper aux codes de la frontalité, qu’ils sont prêts à prendre des risques. Mais leur tentative de redéfinition de la situation spectaculaire passe par autant de recettes d’antan.
Au bout du compte, puisqu’il s’agit d’une expérience à faire, chacun pourra l’évaluer à partir de ce moment vécu, d’autant plus que Hantologie s’adapte chaque fois au lieu d’accueil et se redéfinit, surtout en matière sonore.
Thomas Hahn
Atelier de Paris – Carolyn Carlson - 13 décembre 2014
Hantologie
Concept : Raphaëlle LATINI et Samuel LEFEUVRE
Chorégraphie, interprétation : Samuel LEFEUVRE, Florencia DEMESTRI
Création sonore : Raphaëlle LATINI (platines), Mathias DELPLANQUE (ordinateur)
Lumières : Nicolas OLIVIER
Game designer : Manuel ROZOY
Coach vocal : Valérie JOLY
Tournée :
Du 29 avril au 2 mai : Théâtre de la Balsamine, Bruxelles
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