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Désordres de Samuel Murez
Monté avec un rythme que ne démentirait pas un réalisateur, Désordres de Samuel Murez est un spectacle bourré de qualités, dont la première, assurément est l’excellence des danseurs sur scène. Bien sûr, il faut être soi-même du sérail pour pouvoir se payer un plateau qui réunit Ludmila Pagliero, le dernier Premier danseur nommé, François Alu et quelques uns des talents les plus prometteurs de l’Opéra de Paris… habillés s’il vous plaît par Agnès Letestu ! Sa troupe s’appelle 3e étage, car c’est à ce niveau que les danseurs du Corps de ballet de l’Opéra y ont leurs loges.
Drôles, endiablés, les tableaux se succèdent, pendant que les personnages ou les images passent de l’un à l’autre, suivant un fil conducteur un peu lâche. Certains personnages reviennent quelques scènes plus tard, en croisent d’autres aperçus plus tôt, le tout dans un désordre apparent et très maîtrisé. Bruitages, minauderies, maladresses savamment calculées se téléscopent allègrement. Deux des héros de ces facétieux leit-motiv sont me1et me2, inspiré du poème drôlement inquiétant Mee Too de Raymond Federman. On les retrouvera se dédoublant, se divisant et se multipliant à plaisir tout au long de la soirée. Celle-ci débute avec La Valse infernale. Il y a un diable (François Alu), des démons (Fabien Révillon et Mathieu Botto) et des Succubes (Léonore Baulac et Laura Hecquet). Morceau de bravoure réellement « infernal » tout autant que l’est la partition de Liszt quand il relit Meyerbeer, cette valse pousse les danseurs sur un rythme vraiment démoniaque. Filant la métaphore, on enchaîne avec un adage extrait de Mephisto (Laura Hecquet et Jeremy-Loup Quer) tout aussi diabolique techniquement que le précédent puis sur une Danse des livres beaucoup plus calme dans laquelle Pierre-Louis, un personnage à deux corps (Hugo Vigliotti et Mathieu Botto) plutôt schizo tente de séduire Cassandre (Lydie Vareilhes). L’écriture tout en contrepoint n’est pas sans rappeler celle d’un William Forsythe, tandis que les interprètes s’en donnent à cœur joie côté théâtre. Thirst, enchaîne une variation sur le couple (Lydie Vareilhes et Jeremy-Loup Quer) comme si le conflit de personnalités de la Danse des livres s’était enfin résolu.
La deuxième partie était un festival de détournement des codes de la danse classique et d’autodérision parfaitement assumés.
Après un magnifique duo , Processes of Intricacy associant Ludmila Pagliero et Takeru Coste, où l’intelligence du mouvement pur est souligné par la mise « à vue » des bruits du plateau, Quatre, est un des « clous », de virtuosité si l’on peut dire de Désordres. Dans une sorte de tenue d’examen un peu sombre, François Alu Fabien Révillon Mathieu Botto et Hugo Vigliotti s’affrontent à coup de qui tournera le plus et qui sautera le plus haut… Prenant des risques, exploitant leur extraordinaire technique avec un humour pince sans rire qui emporte l’adhésion du public, la pièce est un vrai feu d’artifice avec bouquet final de difficultés. Désordres, le final et surtout Le Cauchemar extrait de le Rêveur, (qui selon moi est la pièce la plus aboutie chorégraphiquement parlant) dans lesquelles interviennent tous les danseurs, et fait la part belle à un Hugo Vigliotti absolument époustouflant tant au niveau de la danse que du jeu d’acteur. Cette variation hilarante sur le monde de l’entreprise et du travail ferme cette soirée qui sait faire désordre avec de la danse classique de très très haut niveau.
Agnès Izrine
10 juin 2013 - Théâtre André Malraux, Rueil-Malmaison
En tournée :
16 novembre 2013: Ste Geneviève des Bois / Théâtre Gérard Philippe
23 novembre 2013: Argentan / Quai des Arts
10 janvier 2014 : Chateaudun / Espace André Malraux
Et d’autres dates jusqu’à fin mai en cours de confirmation
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