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« Rites de passage » : entretien avec Sylvie Balestra

Vu le 20 novembre dernier à la Briqueterie CDCN du Val-de-Marne dans le cadre du festival Playground, ce solo pour une danseuse urbaine qui se transforme de footballeuse en guerrière, Sylvie Balestra s’adresse à un public jeune (mais pas trop). Rencontre.

Danser Canal Historique : Dans Rites de passage, vous mettez en jeu une danseuse et des objets sportifs, ce qui est dans l’air du temps. Le sport a ses rites, mais l’idée de passage semble en même temps nous renvoyer à l’adolescence.
Sylvie Balestra :
J'avais envie de commencer avec un ballon de foot comme premier accessoire, objet qui est aussi un objet de l'enfance et de l'adolescence, qu'on l'aime ou qu'on ne l'aime pas. Comment nous met-il en mouvement et comment va-t-il faire basculer cette danseuse de l’univers de l'enfance à des danses qui sont plus comme des danses de transe ?

DCH : Comment avez-vous travaillé avec la danseuse et qui est-elle ?
Sylvie Balestra :
Issue du Hip-Hop, Janice Bieleu pratique le popping et j'avais vraiment envie d'hybrider ma culture chorégraphique de danse contemporaine avec la sienne. Nous sommes parties de ce ballon qui crée le mouvement pour observer ce qui reste des steps de Janice. En fait, il en reste le mouvement des pieds qui peut devenir une rythmique et peut même occuper tout l'espace sonore, grâce au son amplifié de la respiration.

DCH : En effet, le ballon devient pratiquement un partenaire de danse pour une jeune femme qui se situe entre la danse et le sport.
Sylvie Balestra :
Il est vrai que beaucoup de jeunes spectateurs nous disent qu’ici la danse et le corps font un avec le ballon. C'est le ballon qui dirige ce qui se passe. C'est lui qui transforme le plateau, qui commence à le faire un peu tanguer et à nous amener vers différents rites.

DCH : Le public est assis en cercle, sur des gradins faits sur mesure et pour un nombre assez restreint de spectateurs, dans un rapport de proximité.
Sylvie Balestra :
Oui, il y a une performance physique, donc comme on est très proche du corps de la danseuse, on voit aussi son engagement, c'est-à-dire qu'on la voit transpirer, on l'entend respirer. On est en contact direct avec ce qu'est le mouvement, l'engagement physique. Et pour moi, c’est très important. Quand on est assis dans des gradins, loin du corps des danseurs et des danseuses, on ne se rend pas compte de leur investissement. Mais quand on se trouve à un mètre de la danseuse, l’empathie fait qu’on participe de l'expérience physique.

DCH : Vers la fin, la danseuse porte une armure qui rehausse les épaules. Cet objet semble venir du baseball, du hockey sur glace ou du rugby.
Sylvie Balestra :
Il est intéressant que vous utilisiez le mot d’armure, parce que c'est vraiment ça. Cet objet permet de se faire plus grand et plus gros que soi. C'est presque une coquille. Il s’agit d’un accessoire de protection qui vient du football américain. Avec lui, le corps évoque le moment où l’on est prêt à l'attaque, où le monde autour peut nous être hostile, et où l’on doit aller dans ce monde adulte alors qu’on a en même temps envie de s'en protéger. C’est son bijou qu'elle a customisé, comme on customise des téléphones, des porte-clés etc.

DCH : On rentre donc dans une dimension qui nous renvoie à des choses un peu de la mythologie et de la trance ?
Sylvie Balestra :
Complètement. À certains jeunes, la scène évoque une gladiatrice. Il y a quelque chose de l'arène, de l'épreuve, de la mythologie. Nous avons travaillé sur de grandes figures, des images de sportives mais aussi de combattantes à travers le temps. Et il y a une dimension du rituel, donc une dimension symbolique magique.

DCH : Les danses et musiques nous font passer par différents univers, parfois aux sonorités mandingues. Comment s’est construit ce voyage sonore ?
Sylvie Balestra :
La compositrice suisse Simone Aubert a créé une bande son originale à partir de la chorégraphie. Il n'y a pas de référence à un pays particulier mais je crois que selon nos imaginaires, on est transporté dans plein de cultures. J'avais envie qu'il y ait des sons électroniques qui font partie de notre culture musicale mais aussi guitare, percussion ainsi que le souffle de la danseuse et celui de la chanteuse qui n’est autre que la compositrice.

DCH : Il y a tout de même un jeu de références avec les origines de l’interprète et le monde d'aujourd'hui, les danses pratiquées en club...
Sylvie Balestra :
Oui, on finit sur une idée de fête, de joie et d’un corps qui se libère de ses assignations et du ring dans lequel elle est initialement enfermée. C'est une pièce qui parle aussi d’émancipation.

DCH : Le foot féminin n'est plus tellement hors champ aujourd'hui. Par contre le football américain semble rester un domaine masculin. Comment réagit le public jeune à l’image de la footballeuse guerrière ?
Sylvie Balestra :
Selon leur âge, ils ont des choses différentes à nous raconter. Ils parlent évidemment de la référence au sport, mais aussi à la transformation de cette danseuse qui arrive au fond comme une ado, donc très proche d'eux avec son t-shirt oversize Naruto, qui renvoie à la culture manga, jogging, streetwear, hip-hop et tout ça. Puis la voix se transforme et les jeunes me renvoient beaucoup d'autres imaginaires.

DCH : S’agit-il de votre première pièce jeune public ?
Sylvie Balestra : Non. J'ai créé en 2016 Grrr, un solo rituel pour un public à partir de trois ans, joué dans un tout petit espace, un cercle de trois mètres de diamètre, où les enfants et les familles viennent s'asseoir autour de moi pour observer la danse. Aujourd’hui cette pièce en est à sa 525e représentation. Avec Rites de passage j'avais envie de m'adresser à une jeunesse entre 10 et 20 ans et de réinterroger la question du rituel.

DCH : Vous aimez donc la figure du cercle, au moins quand vous vous adressez au jeune public ?
Sylvie Balestra : Ces deux créations sont en effet un peu jumelles, mais pas du tout pour le même âge. J'ai aussi créé une pièce qui s'appelle Vieillesse et élégance, dansée par des personnes de 70-80 ans. À un moment, ces personnes sortent de leur quotidien pour nous amener vers quelque chose qui relève d'un rituel inconnu.

DCH : Vous travaillez donc beaucoup à partir d’une idée de communauté ?
Sylvie Balestra : J'observe des communautés en mouvement, communautés qui peuvent être constituées de personnes vivant dans un endroit spécifique, ou bien de travailleurs et travailleuses, d’infirmières et infirmiers, de personnes qui travaillent en usine. J'ai l'habitude d’observer tous leurs rituels, et aussi tous les objets qui vont faire partie de la vie de ces communautés. Aussi la question du costume est également très importante chez moi, costume que je nomme parure parce qu'en anthropologie on utilise ce terme.

DCH : Quel est votre rapport avec l‘anthropologie ?
Sylvie Balestra : Je parle d'anthropologie parce que je suis à la fois chorégraphe, danseuse et anthropologue. J'ai fait des études d'anthropologie, et c'est ce qui marque complètement le travail de ma compagnie, qui s’appelle Sylex.

Propos recueillis par Thomas Hahn

Conception & Chorégraphie Sylvie Balestra
Interprétation Janice Bieleu
Création lumière Yvan Labasse
Création costumes Aude Desigaux
Collaboration à la mise en scène Cyrielle Bloy
Répétitrice Garance Bréhaudat
Artiste sonore Simone Aubert
Spectacle coproduit par La Manufacture CDCN

En tournée en 2025  
8 janvier à 10h et 19h30, 9 janvier à 10h au Théâtre d'Angoulême, Scène Nationale (16)
15 janvier à 10h et 14h30, 16 janvier à 10h et 14h30, 17 janvier à 16h à Points Communs, scène nationale de Cergy (95)
30 janvier à 10h et 20h et 31 janvier à 10h au Théâtre du Cloître, scène conventionnée de Bellac (87)
6 février à 14h15 et 19h30, 7 février à 10h et 19h30 au Champ de Foire - Saint André de Cubzac dans le cadre du Festival POUCE ! - La Manufacture CDCN Bordeaux / La Rochelle (33)
11 février à 14h et 19h au Château d’Oléron dans le cadre du Festival POUCE ! - La Manufacture CDCN Bordeaux / La Rochelle (17)
28 mars à 10h et 20h30 au Théâtre l’Aire Libre - Saint Jacques de la Lande (35)

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