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Les CCN fêtent leurs 40 ans !
Imaginés en 1984 par le ministère de la Culture afin de créer un maillage chorégraphique sur tout le territoire français, les 19 Centres chorégraphiques nationaux soufflent leurs 40 bougies à Chaillot !
Les Centres Chorégraphiques Nationaux, sont le reflet exact des espoirs et des contradictions qui lient depuis toujours cet art « délicat » qu’est la danse à sa réception auprès d’un public … via le relais, vecteur de transmission, que représente l’Institution. La danse joue avec l’idée qu’une société se fait du corps qui doit la représenter. Ne serait-ce que pour révéler la place qu’elle lui assigne. C’est pourquoi la mémoire de ces lieux pour la danse que sont les Centres Chorégraphiques Nationaux mérite d’être examinée, comme symptôme et trace d’une Histoire de la danse encore en cours d’écriture.
Les fondations
Lorsque l’Etat décide, dans les années 50, de mettre en œuvre une politique culturelle, il s’agit, comme le stipule le célèbre décret du 24 juillet 1959 qui fonde le Ministère des affaires culturelles de Malraux : « de rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité et d’abord de la France, au plus grand nombre possible de français. » Cette idée de la « culture pour tous », héritée de la Révolution française, et réalisée sous l’enseigne de la décentralisation culturelle, ne concerne pas encore directement la danse. Néanmoins, de 1960 à 1980, si l’on ne peut réellement parler de politique directe en faveur de la danse, les politiques culturelles des ministères successifs et des collectivités locales ne resteront pas sans effet.
En 1969, deux compagnies sont déjà constituées : Le Ballet Théâtre Contemporain dirigé par Françoise Adret et Jean-Albert Cartier à la Maison de la Culture d’Amiens (déjà intitulé Centre Chorégraphique National dans la plaquette de la Maison de la Culture en 1971) et l’éphémère Théâtre Français de la danse, dirigé par Joseph Lazzini, installé dans les locaux de l’ex Gaîté Lyrique.
En 1972, le Théâtre du Silence dirigé par Jacques Garnier et Brigitte Lefèvre (implanté à La Rochelle en 1974), le Ballet du Rhin, dirigé par Jean Babilée, le Ballet de Marseille Roland Petit, sont créés, tandis que la Compagnie Félix Blaska s’installe à la Maison de la Culture de Grenoble. Le Ballet Théâtre Contemporain quitte Amiens pour Angers.
A partir de 1978, l’implantation de plusieurs compagnies de danse contemporaine en Région, et la création du Centre National de Danse Contemporaine, (CNDC) structure d’enseignement de la danse contemporaine à Angers, puis celle de la compagnie de Dominique Bagouet devenue Centre Chorégraphique Régional à Montpellier en 1980,renforce l’idée de décentralisation et le développement des équipements. Elles sont les prémices des futurs CCN. La politique est alors de donner aux compagnies existantes les moyens de faire face leurs charges plutôt que créer des troupes de 30 a 40 danseurs,[1] contrairement à ce qui était initialement prévu.
L’explosion des années 80
Après l’élection de François Mitterrand et l’arrivée de Jack Lang au ministère de la Culture, l’accent sera mis pour la première fois sur la création. Maurice Fleuret affichera une attention nouvelle à son égard. Elle apparaît désormais dans l’intitulé : Direction de la musique et de la danse.
Les autres facteurs déterminants de l’irruption d’une danse contemporaine seront évoqués dans le discours de Jack Lang de 1981 sur les “ Orientations de la politique de la musique et de la danse ” et tiennent en deux idées simples : la décentralisation, avec la nomination de délégués régionaux pour la musique (et la danse), et “ ne pas établir de hiérarchie entre les genres et les pratiques. ”[2]
Tout va alors très vite. La loi de finances 1982 prévoit un doublement du budget de la culture. La danse en bénéficiera. De plus, l’institution s’attache à structurer les compagnies en implantant certaines d’entre elles en région : Jean-Claude Gallotta à la Maison de la Culture de Grenoble, Maguy Marin à la Maison de la Culture de Créteil. En 1982, la Direction de la Musique et de la Danse voit le jour. En même temps, le pouvoir commence à se demander “ Quelle danse veut-on promouvoir et pour quel public ? ”[3] Les dix années qui suivent vont formuler une réponse à cette question.
Les chiffres sont éloquents : en 1982, soixante-douze compagnies seront subventionnées : douze compagnies implantées, dix compagnies indépendantes permanentes, cinquante projets de compagnies débutantes sans compter les 13 ballets de la Réunion des Théâtres Lyriques Municipaux de France (RTLMF). De 1981 à 1983, le nombre de représentations augmente de 40%, les spectacles de danse de 75%, la diffusion des compagnies de 85%, et les 125 lieux ayant diffusé de la danse passent à 238. L’institution se dote de nouveaux outils spécifiques à la danse, notamment par la constitution d’une commission d’étude en 1982.
Acte de naissance des Centres Chorégraphiques Nationaux
En 1984, une autre conférence de presse de Jack Lang annonce « Dix nouvelles mesures pour la danse » dont la première sera de créer les CCN. Elle annonce une politique de développement de la danse à travers le territoire prenant en compte la danse contemporaine. La danse devient donc un art vivant lié à son temps et à son contexte citoyen. De plus, la même année, une commission consultative pour l’attribution des subventions est mise en place. Le Théâtre contemporain de la danse ouvre ses portes, la Cinémathèque de la danse est créée, la première Biennale de la danse de Lyon voit le jour.
Le nouveau label CCN s’applique à des compagnies déjà implantée, en réponse à la recommandation du rapport de la commission d’études pour la danse (1982) qui suggère de créer des structures de décentralisation qui assurent à des chorégraphes un lieu et des moyens de travail avec une compagnie permanente. Le CNDC et onze compagnies implantées deviennent donc CCN.[4]
Les textes cadres de l’époque vont profondément influer sur la définition de ce nouvel outil.
« Les compagnies implantées en région au 1er mai 1984, de niveau national, faisant l’objet d’un financement concerté et conjoint des collectivités locales pour un montant suffisant ont vocation à devenir des CCN ».
« Un CCN doit être un pôle de développement et ne pas limiter sa dynamique à sa propre action artistique. Il doit assurer au moins trois des quatre missions : création, diffusion, formation, accueil. La formation peut s’exercer en faveur de stagiaires, de compagnies de la région, de professeurs installés localement. » (Note interne de la DMD du 18 juin 1984). Il est également préconisé que le Centre doit s’inscrire pleinement dans la vie culturelle et chorégraphique de sa région.
Les CCN sont conçus dès le départ comme un pôle de création attribué à un chorégraphe ayant fait ses preuves tant dans le domaine artistique que dans sa capacité à fédérer autour de son nom une équipe et un projet. Ils sont pour leur majorité issus de la génération qui a construit cette danse contemporaine. Et pour cause, ils sont capables d’envisager ses besoins et ses manques de manière globale, tant au niveau des professionnels qu’en direction du public. Ils mènent un travail en profondeur et inventent leur mode de fonctionnement.
En 1995, les CCN se constituent en réseau avec la création de l’Association des CCN (ACCN)
Quarante ans après
Les attendus des CCN n’ont pas tellement changé, ni leur nombre[5]. Aujourd’hui, ils constituent un réseau de 19 CCN répartis dans toute la France. Mais les crédits attribués par les Collectivités Territoriales ont sans doute contribué à accroître les attentes envers ces structures. Depuis 1998, elles partagent le CCN avec d’autres compagnies, grâce au dispositif de « l’accueil studio ».
En 2005, mus par le désir d’un texte de référence qui leur soit propre, les Centres chorégraphiques nationaux s’entendent avec la Délégation à la danse (DMDTS / ministère de la Culture) sur un projet de texte cadre, sur lequel chacun s’appuiera à partir de 2005. Ce texte définit notamment les missions des CCN comme les modalités de recrutement et de départ des chorégraphes et des équipes qui les dirigent. C’est à cette occasion qu’est créée la « règle des dix ans » qui stipule que tout chorégraphe doit quitter son CCN au bout de dix ans d’exercice (même si certains obtiennent souvent une prorogation de trois ans supplémentaires), il organise les conditions de son départ, et les modalités de recrutement d’une nouvelle direction.
Les équipes de ces Centres se sont mobilisées autour d’actions diverses qui aujourd’hui les placent véritablement en lieux de pôles ressources pour une région dans des domaines aussi divers que la formation, l’expertise chorégraphique locale ou la mémoire.
À partir de 2010, puis de 2017, leurs missions s’étoffent encore, car peu à peu, les problématiques spécifiques à la danse, par exemple, le renouvellement des formes chorégraphiques, l’ouverture à d’autres expressions artistiques, le partage de « l’outil » (qui se déploie désormais en accueil studio, résidence d’artistes et prêt de studio), ou la formation et la reconversion des danseurs, viennent s’inclure dans le cahier des missions et des charges relatif au label CCN. En outre, l’attention aux territoires et les actions de diffusion et de médiations sont renforcées. Les CCN devant garantir « l’accès et la participation de tous les habitants à la vie culturelle des territoires » y compris en se déployant en formes itinérantes investissant écoles, gymnases, bibliothèques, centres sociaux).
Les CCN sont également les fers de lance de la diversité, tant du point de vue des esthétiques chorégraphiques, que des artistes accompagnés, que, bien sûr, de la parité femme-homme. Il est d’ailleurs très significatif que l’Association des Centres Chorégraphiques Nationaux (ACCN) se soit emparé de cette question en lançant le débat lors de la dernière Biennale de la Danse de Lyon en septembre 2023 et créent une charte sur ce sujet
Aujourd’hui, les CCN sont de vrais pôles ressources chorégraphiques en région. Ils assurent la création d’œuvres liées à leurs chorégraphes directrices et directeurs, mais aussi celles de nombreux autres artistes « compagnons ». Ainsi 18 CCN bénéficient du dispositif artiste associé grâce à un budget de 810 000 € alloué par le ministère de la Culture, soit 45 000 € chacun. Les accueils studios représentant quant à eux 191 compagnies qui ont bénéficié de ce dispositif grâce au budget de plus d’1 million d’euros alloué aux CCN par le ministère de la Culture, soit 55 000 € chacun. Enfin 300 compagnies supplémentaires et hors dispositifs ont ainsi pu être aidées pour un montant total de 500 000 €*. Seize d’entre eux ont créé un Festival ou un Temps fort dépendant du CCN. Plus de 2 500 actions de sensibilisation, soit près de 12 000 heures de sensibilisation ont été menées pour près de 80 000 bénéficiaires, dont plus de 18 500 scolaires. Quatre CCN porteurs d’un projet PRÉAC Danse (Pôle ressource pour l’éducation artistique et culturelle)[6].
Que dire de plus, sinon que les CCN ont plus que largement réussi les missions qui leur ont été confiées.
Quel sera leur avenir ? C’est la question à laquelle ils doivent répondre aujourd’hui… Sachant qu’il semble difficile d’augmenter encore leurs missions et donc leur charge de travail… Et que l’ouverture de nouveaux Centres Chorégraphiques Nationaux ne semble (et ce, depuis 40 ans !) toujours pas inscrite au programme ministériel(s). De plus, il existe un vrai danger de faire porter l’essentiel de l’économie globale de la danse, et notamment sa diffusion, sur les seules institutions chorégraphiques particulièrement les CCN et les CDCN (Centres de Développement Chorégraphique Nationaux).
Doivent-ils changer pour continuer ? Doivent-ils élargir leur périmètre ? Toutes ces questions, et bien d’autres seront posées aux professionnels toute la journée du lundi 2 décembre au CND à Pantin.
Et le 3 décembre, une soirée festive organisée dans le cadre de « Chaillot rencontre » et « Chaillot invite », sera ouverte aux professionnel·le·s du spectacle vivant et au grand public, à Chaillot - Théâtre national de la Danse. Au programme, une Soirée festive avec une table ronde modérée par Amélie Blaustein Niddam autour des Centres Chorégraphiques nationaux et des thématiques clés qui façonnent l'avenir des CCN et du secteur de la danse. Un Battle de toutes les danses animé par Saïdo Lehlouh, co-directeur du CCN de Rennes et de Bretagne, un bal chorégraphique mis en mouvement par Sylvain Groud, directeur du Ballet du Nord – CCN de Roubaix Hauts-de-France qui créera un happening festif ! Pour clôturer cette soirée, un dancefloor ouvert à tous avec un.e invité.e suprise.
Agnès Izrine
Programme du 2 décembre au CN D (Pantin)
La première journée sera entièrement dédiée aux professionnel·le·s du secteur chorégraphique. L’objectif est de créer un espace d’échanges et de réflexions. La journée sera traversée par des performances chorégraphiques proposées par les différentes directions des CCN.
11h00 – 12h30 – Les CCN : 40 ans de création
13h30 – 14h30 – Les CCN comme outil de partage
Discussion sur l’accompagnement des artistes, notamment via les dispositifs « Artiste associé·e » et « Accueil-studio »
15h00 – 16h00 – Des équipes au service des projets artistiques
Discussion autour des équipes actrices de la rencontre entre artistes et habitant·e·s
16h30 – 17h30 – Au coeur des CCN : les danseur·se·s interprètes
Discussion sur les stratégies mises en place pour l’emploi, l’insertion et la transition professionnelles des danseur·se·s
18h00 – 19h30 – Les CCN : défis, missions et perspectives
Enjeux actuels des CCN en prise avec le secteur chorégraphique
Programme du 3 décembre à Chaillot – Théâtre national de la Danse (Paris)
Soirée festive ouverte aux professionnel·le·s et au grand public
18h30 -20h
Les Centres chorégraphiques nationaux : un label, des possibles
Cette discussion à Chaillot se veut une synthèse des réflexions et échanges initiés la veille au CN D. Elle proposera une vision panoramique du réseau, en examinant la manière dont le label des CCN a su maintenir une continuité tout en évoluant en phase avec le secteur chorégraphique et la société. Les discussions aborderont des thématiques clés qui façonnent l’avenir des CCN et du secteur de la danse.
20h00 à 20h30 : Battle de toutes les danses, ouvert aux 40 ans et +, animé par Saïdo Lehlouh, co-directeur du CCN de Rennes et de Bretagne (Collectif FAIR-E)
20h30 – 21h30 : Le Bal chorégraphique – Mis en mouvement par Sylvain Groud, Directeur du Ballet du Nord – CCN de Roubaix Hauts-de-France
Une chorégraphie contagieuse envahit la foule, créant un happening festif !
21h30 – 23h30 : Soirée Festive / Dancefloor – Invité·e surprise
[1] Les compagnies soutenues sont alors le Ballet de Marseille-Roland Petit, le Ballet du Rhin – Peter Van Dick, le BTF à Nancy, la Compagnie Felix Blaska à Grenoble, le Ballet de Lyon, le Ballet Théâtre Joseph Russillo à Toulouse, le Théâtre du Silence à La Rochelle, le Théâtre chorégraphique de Rennes (G. Caciuleanu) ; le CNDC à Angers, la compagnie Serge Keuten, la compagnie Anne Béranger et une aide spécifique pour deux jeunes chorégraphes : Dominique Bagouet et Pierre Guilbaud.
[2] Extrait de la Conférence de presse de Jack Lang (1981) “ Il n’est plus question d’organiser la politique de la musique et de la danse (...) en vertu d’une vision, je dirais, pyramidale, hiérarchisée, disons, napoléonienne qui couperait ou découperait la France au cordeau et qui chercherait selon un modèle pré-établi à imposer à chaque province de France les mêmes formations, les mêmes enseignements, les mêmes activités musicales... ”
[3] Conférence de presse de Jack Lang (1982)
[4] Ballet National de Marseille (Roland Petit) – BTF de Nancy, Ballet du Rhin (Jean Sarelli) – Ballet du Nord (Alfonso Cata) – CCR de Montpellier (Dominique Bagouet) – Théâtre du Silence La Rochelle (Brigitte Lefèvre) – Théâtre Contemporain de Rennes (Gigi Caciuleanu) – Groupe Emile Dubois (Jean-Claude Gallotta) – Compagnie Maguy Marin, Créteil – Compagnie Quentin Rouillier , Caen – Ballet Théâtre Joseph Russillo, Toulouse. Sont en cours d’installation : Compagnie François Verret, Orléans – Centre Chorégraphique de Haute-Normandie (Caroline Marcadé), Le Havre – Compagnie Ardanse (Marie-Christine Gheorghiu), Evry - Compagnie Incidence (Josyane Rivoire), Nanterre – Compagnie Serge Keuten, Argenteuil, Le Four Solaire (Anne-Marie Reynaud), Nevers – Groupe Ma (Hideyuki Yano), Besançon.
[5] (La) Horde Ballet national de Marseille, CCN-Ballet de Lorraine (Petter Jacobsson puis Maud Le Pladec en 2025), CCN Ballet de l'Opéra national du Rhin (Bruno Bouché), ICI CCN de Montpellier Languedoc Roussillon (Christian Rizzo), Mille Plateaux CCN La Rochelle (Olivia Granville), Ballet du Nord CCN Roubaix Hauts de France (Sylvain Groud), CCN de Rennes Bretagne (Collectif FAI-RE Bouzid Ait Atmane, Iffra Dia, Linda Hayford, Saïdo Lehlouh), CCN Grenoble (Aina Alegre et Yannick Hugron), CCN Créteil et du Val-de-Marne (Mehdi Kerkouche), CCN Caen Normandie (Alban Richard), CCN Ballet Preljocaj Aix-en-Provence (Angelin Preljocaj), Le Phare CCN Le Havre (Fouad Boussouf), CCN Orléans (Maud Le Pladec puis Collectif ES en 2025), CNDC Angers (Noé Soulier), CCN Nantes (Ambra Senatore), CCN de Rillieux-la-Pape (Yuval Pick), CCN Malandain Ballet Biarritz, Viadanse CCN Franche-Comté à Belfort (Héla Fattoumi et Eric Lamoureux), CCN Tours (Thomas Lebrun).
[1] Ces chiffres ont été calculés sur l’année 2019.
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