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« LORA » de Rachid Ouramdane et « Hairy » de Dovydas Strimaitis

Aux limites des performances physiques, ce double programme est une variation sur la giration et l’envol.

Certainement, ce n’est pas la première fois que nous voyons Lora Juodkaité dans cette chorégraphie de Rachid Ouramdane, elle est apparue dans Les témoins ordinaires (2009), Sfumato (2012), et bien sûr, TORDRE (2016) où l’artiste lituanienne partageait la scène avec Annie Hanauer, mais quasiment dans le même dispositif, à savoir, une présentation de star très hollywoodienne sur une musique clinquante, suivie de tours à en perdre l’esprit. Alors qu’est-ce qui fait que cette fois semble encore plus extraordinaire que les précédentes ? Est-ce une plus grande maturité de Lora Juodkaité ? Le fait de remettre plusieurs fois sur le métier cette même pièce qui a transformé cette pièce d’Ouramdane en chef-d’œuvre ? Un peu des deux sans doute.

Galerie photo © Laurent Philippe

Et surtout que Lora, se livre dans un portrait, LORA, racontant son histoire et sa nécessité de tourner, sur demi-pointe, depuis son enfance, pour se calmer. Et c’est dans cet inconnu qu’elle nous entraîne, dans cette atmosphère étrange ou plutôt étrangère à nos perceptions habituelles.

Les cambrés de Lora, ses bras incroyables qui paraissent ne devoir jamais finir quand elle les étend, ses contorsions inopinées, cette sorte de dislocation du corps qui dit les circonvolutions de l’esprit, fascinent avant même qu’elle ne commence ses girations. Mais ensuite, lancée dans son tournoiement, ses bras se retournent, se replient sur elle comme une spirale sans fin. Elle a des accélérations foudroyantes, à une vitesse que personne ne peut égaler, semble presque trop rapide pour tenir debout, nous précipitant dans une sorte de vertige. Ou elle s’étreint comme pour se consoler. Elle, a les yeux levés au ciel comme pour une offrande mystérieuse. S’enroule sur elle-même et se déroule, dans une rotation perpétuelle mais dont elle peut sortir à tout moment sans vaciller le moins du monde. Elle est presque inhumaine, mais ce qu’elle dit raconte la fragilité même de la vie. Et si la voix de Lora reste calme quand elle parle mais son récit est poignant, sans pourtant le moindre pathos. Est-un rite ? Une technique ? Non, c’est une fulguration, c’est elle, c’est son mode d’être intrinsèque, et c’est beau. La pièce est littéralement stupéfiante, Lora tout simplement magnifique, étoile absolue, et la fin, une vraie trouvaille.

La deuxième partie de ce programme dans le cadre de La Saison de la Lituanie en France était une création de Dovydas Strimaitis, présentée en version quatuor, après une version solo, dansée par le chorégraphe lui-même lors du lancement de la Saison de la Lituanie et une version trio au concours Danse élargie en 2022. Le chorégraphe lituanien est d’ailleurs bien connu en France comme danseur, chez (LA) HORDE – Ballet national de Marseille, mais aussi avec Kor’sia ou Dalila Belaza. Sa pièce suit à merveille le titre qu’il lui a donné : Hairy (chevelu). C’est d’ailleurs bien le problème.

Galerie photo © Laurent Philippe

Vêtus de combinaisons latex brillantes, les quatre interprètes (Benoît Couchot, Line Losfelt Branchereau, Lucrezia Nardone, Hanna-May Porfon), corps et têtes penchés en avant, balancent leur abondante chevelure (on suppose que ça faisait partie du casting !) de droite à gauche et de gauche à droite avant de faire un tour complet et de repartir. Le tout avec quelques variations du nombre de balancés et de tours suivant un rythme bien précis, le tout étant accompagné de pulsations percussives bien frappées qui rend le tout… assommant ! Soudain, surgit Bach et ses violoncelles (Le Prélude de la Suite pour violoncelle N°4 par Yo-Yo Ma et la Sarabande de la Suite pour violoncelle N°2 par Jean-Michel Queyras) sans que pour autant l’énergie et la gestuelle ne s’altèrent en rien. Ce qui aurait pu être une performance d’un dynamisme hallucinant si la pièce avait duré trente minutes, devient une sorte de danse répétitive et limitée qui ennuie un peu, du fait de ses cinquante minutes… et le pouce ! Dommage.

Agnès Izrine

Le 12 octobre 2024, Théâtre de la Ville Sarah Bernhardt. En tournée : Hairy de Dovydas Strimaitis : 15 10 2024 - Espace 1789 St Ouen, 28 & 30, 10 2024 - Tanz in Berne (Bern, CH), 22 11 2024 - Festival NEUFNEUF, Toulouse, 28 et 29/11 Maison de la Danse de Lyon.

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