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Dalila Belaza : « Rive »

Nouvelle artiste associée à La Briqueterie, CDCN du Val-de-Marne, Dalila Belaza livre une pièce envoûtante et impressionnante. La pièce est à voir à la Maison de la danse de Lyon en novembre. 

Dalila Belaza, en front de scène à Jardin, apparaît. Ses mouvements rapides de balancement des bras floutent notre vision, les éloignent comme un effet stroboscopique, effaçant peu à peu sa silhouette par la célérité de ses gestes. Les autres interprètes arrivent subrepticement et disparaissent aussitôt, absorbés par l’obscurité du plateau. Ils montent et descendent en vagues, comme une houle obsédante, tandis que Dalila Belaza s’éclipse tout à fait.

Peu à peu, les corps se font ligne lumineuse, comme l’écume la nuit. C’est nous qui sommes sur la rive pour distinguer le mouvement incessant de cette mer, dont les amers sont ces sept interprètes, les pieds comme scotchés au sol qui pourtant se déplacent, esquissant peu à peu ce fameux pas de « bourrée » que l’on ne saurait vraiment reconnaître si ce n’est dans sa persévérance à marquer le pas.

Mais bientôt les lignes se cassent ou se fracassent comme autant de brisants, les corps se désordonnent littéralement, se défont de toute certitude anatomique, tout en conservant le rythme percussif et imperturbable qui les meut. Ils se détachent alors de l’ombre comme une calligraphie mystérieuse et belle, qui se forme et se déforme, se transforme sans fin, dans une chorégraphie hallucinatoire.  

La bourrée ? Elle y est peut-être mais sur l’autre rive de la Méditerranée, d’où cette gestuelle qui nous vient comme des embruns ou une mémoire obscurcie, fugace, instable comme les danseurs et danseuses, comme ces chants qui émergent du rythme comme un ressac. Et tandis que la musique se fait stridente et lancinante les interprètes s’arrêtent dans des déséquilibres insensés avant de recommencer leur ondulation permanente.

Leurs pieds virtuoses, qui se croisent et s’entrecroisent absolument fascinants, distillent une danse vibratile, une cérémonie sombre et archaïque qui finit par jouxter la transe alors que retentit, toujours sur ce même rythme entêtant, la profession de foi musulmane, se déployant bientôt dans tous les corps, dans une sorte d’ivresse qui rappelle fortement la mystique des derviches sur cette musique tournoyante, jamais tout à fait la même ni tout à fait une autre.

Dalila Belaza vient alors clore la pièce en la reprenant au début, ajoutant encore à la circularité de cette pièce qui reste inscrite dans les ténèbres du plateau comme une rémanence rétinienne qui surgit quand on ferme les yeux.

Agnès Izrine

Les 14 et 15 novembre à la Maison de la Danse de Lyon

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Distribution

conception, chorégraphie, son et lumière : Dalila Belaza | interprétation : Jamil Attar, Paulin Banc, Dalila Belaza, Erica Bravini, Adam Chado, Mohammed Ech Charquaouy, Andrés Garcia Martinez, Elie Tremblay | régie lumière : Alexandre Barthélémy | régie son : Solal Mazeran

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