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« Le Lac des cygnes » de l’Opéra de Paris en très haute définition
Pathé Quai d’Ivry a projeté en exclusivité sur écran XXL, la captation par Isabelle Julien du blockbuster romantique Le Lac des cygnes dans la chorégraphie de Rudolf Noureev dansée par le Ballet de l’Opéra de Paris. Selon Thierry Fontaine, le président de Pathé Live, c’est « le premier ballet au monde filmé pour Imax ».
Cette diffusion en salle d’une cinédanse mérite d’être saluée pour plusieurs raisons. Tout d’abord, parce qu’elle renoue concrètement avec le rituel de la séance cinématographique et, par là même, permet de rompre avec les soirées télé en solitaire ou, pire !, en famille. Ensuite, parce que la qualité numérique de la haute définition de l’image comme du son autorise l’immersion du spectateur – condition nécessaire de nos jours mais pas toujours suffisante. Enfin, parce que, indépendamment des qualités esthétiques dont nous dirons un mot, le film permet au vulgum pecus dont nous sommes de saisir, dans tous les sens du terme, une œuvre du répertoire et, au balletomane, d’apprécier jusqu’au menu détail la qualité de danse d’un interprète ou d’une compagnie tout entière.
Naturellement, s’agissant de la version de Noureev, les spécialistes de la star trouveront matière à tatillonner, qui pour l’exécution scénique, qui pour le parti pris (ou non pris) question réalisation. Il est vrai que le danseur et chorégraphe connaissait sur le bout des orteils l’œuvre de Marius Petipa et qu’il avait placé la barre très haut (si l’on peut dire) avec son Schwanensee (1966) créé au départ pour le Ballet de l’Opéra de Vienne. Un Lac qui a été immortalisé par lui et Margot Fonteyn dans un film en 35 mm couleur signé Truck Banns – réalisateur éclipsé par Noureev en cours de route, croyons-nous savoir. Ceci dit, le Ballet de l’Opéra de Paris prouve qu’il est actuellement le mieux placé pour reprendre cette version chorégraphique. Les trois rôles principaux distribués dans ce long métrage de deux heures vingt sont tenus avec brio. La mise en scène cinématographique est telle qu’elle exige des danseurs qu’ils soient également comédiens. Ce qui n’est pas si évident lorsque la mise en boîte audiovisuelle du ballet alterne plans d’ensemble et gros plans et qu’elle a dû être effectuée en quatre jours seulement ! Certes, c’est plus qu’il n’en faut pour du cinéma direct ou, plutôt, en direct live. Mais moins que pour un simple épisode de série.
Galerie photo Natalia Voronova
Paul Marque (Siegfried) fait preuve de maestria à chacune de ses variations. Sae Eun Park (Odette/Odile) est remarquable au premier acte et exceptionnelle au second – sa virtuosité technique, son allure et son aisance sont alors comparables à celles d’une Simone Biles. Pablo Legasa (Rothbart), qui a moins de grain à moudre question danse, se révèle un formidable acteur du muet. Car c’est aux débuts du 7e Art que, paradoxalement, fait penser cette cinédanse en Imax. C’est un film de danse et de musique – pas la moindre : une suite d’evergreens de Tchaïkovski joués avec allant par l’Orchestre de l’Opéra dirigé par Vello Pähn. Le rôle de la pantomime y est considérable, si bien que certains plans rapprochés peuvent paraître cruels pour les danseurs (Legasa excepté) ou, au contraire, insuffisants ou trop brefs pour permettre d’identifier les seconds rôles. La mise en scène est astucieuse, qui rend transparent le récit mais ne caractérise sans doute pas assez les personnages (on pense à celui de la reine mère) et ne brise jamais la passivité de l’assemblée. Isabelle Julien a voulu ménager la chèvre et le chou, n’osant pas le plan-séquence pour restituer les variations, les pas de deux ou de plus dans leur continuité et intercalant quelques vues en plongée, certes moins que Béjart dans son film consacré au Sacre du printemps (1971), moins que Noureev dans celui sur Don Quichotte (1973). Moins, il va sans dire, que Busby Berkeley dans les routines de danse des musicals du temps passé.
Nicolas Villodre
Vu le 8 octobre 2024 au complexe cinématographique Pathé Quai d’Ivry.
Diffusion en avant-première dans les salles Imax dès le 8 novembre 2024, en salle le 10 novembre à 16h, partout en France et dans le monde.
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