Error message

The file could not be created.

Add new comment

Pôle-Sud : La saison 2024 / 2025 dans les starting-blocks

Le CDCN de Strasbourg change d’artiste associé et souligne son engagement en faveur de la cité.

Les arts, la danse, le service public de la culture font partie des éléments essentiels d’une démocratie vivante. Joëlle Smadja, directrice de Pôle-Sud CDCN, le rappelle avec force dans son éditorial introduisant la saison 24/25 du CDCN de Strasbourg : « Nous agissons tous les jours au service d’une démocratie opérante, d’un service public de la culture qui permet à tout un chacun de s’emparer de la réalité et de la transformer. » Parmi les enjeux de cette saison, Joëlle Smadja insiste sur la volonté de « mettre en jeu nos différences, inviter des fantômes et évoquer des futurs possibles. » Sans oublier qu’il est essentiel de savoir s’amuser : « La saison 24/25 se veut donc la preuve que la poésie, l’humour, le décalage, la singularité, la diversité, offrent à toutes et tous de multiples raisons de croire en cet engagement.

Le lancement de la saison aura lieu autour d’une belle soirée festive, à l’entrée libre et gratuite, avec le minimalisme tournoyant du duo The Gyre de Tumbleweed (Angela Rabaglio et Micaël Florentz) et les réflexions sur l’art et le spectacle de danse dans A User’s Manual : Chapter I & III de Konstantinos Papanikolaou. Ce qui sera suivi d’un « Moment convivial dans le jardin », histoire de se dégourdir les jambes et peut-être de se préparer aux ateliers proposés par Sylvain Riéjou, début octobre, avant de monter sur le même plateau, entre autres sur le thème du « Dirty Dancing ». Car Riéjou n’est autre que le nouvel artiste associé de Pôle-Sud, après Amala Dianor (2016 à 2019) et Étienne Rochefort (2019 à 2023).

À nos amours !

Joëlle Smadja relève que « Sylvain Riéjou est de ces chorégraphes qui interrogent les codes de l’écriture artistique et de la représentation. Sa méfiance envers la tendance à réduire un discours ou une œuvre à un « cliché » devient la base de son propos et le nom de sa compagnie. » Laquelle se nomme, en effet, Association Cliché. Et Riéjou ouvre la saison à Pôle-Sud avec Je badine avec l’amour (parce que tous les hommes sont si imparfaits et si affreux). sa pièce autour de l’amour et de l’éveil d’une identité sexuelle, un quatuor plein d’humour et d’autodérision.

Et les femmes ? Selon l’acception du terme « hommes », elles font peut-être partie de la mention de Riéjou. Et comme chaque année, elles présenteront leurs créations lors du festival L’Année commence avec elles, en janvier. On y reviendra en décembre, comme à notre habitude. Quant aux histoires d’amour, elles sont, en cette première partie de saison strasbourgeoise, celles des hommes. Car Joëlle Smadja accueille aussi Radhouane El Meddeb qui proclame, en référence à Khalil Gibran : « Quand l’amour vous fait signe, suivez-le ». La devise répond au titre principal de ce trio : Amour-s. Trio qui a « quelque chose d’une confession intime, un moment d’intense vérité qui traverse avec force l’œuvre chorégraphique de Radhouane El Meddeb », comme l’écrit Agnès Izrine [sa critique ].

Jamais deux sans trois ? Voici Simon Feltz, plutôt jeune chorégraphe encore à découvrir, avec Grains, un sextet autour de la rencontre amoureuse et de la jouissance qui cependant part des rapports entre le langage et la corporalité humaine. Il y a là des gestes d’attouchement sur son propre corps, et des micros qui en révèlent une dimension sensuelle voir érotique, et surtout poétique.

Entre le vocal et le textile, serait-ce aussi une histoire d’amour ? Voie, Voix, Vois par le danseur et comédien Gaël Santisteva, le plasticien-poète-acteur Saaber Bachir et le musicien Antoine Leroy joue des textures vocales et textiles, ajoutant à ces univers un détournement de la ventriloquie par la modification électronique des voix. Leur but : Troubler l’ordre établi. Où tout reste à découvrir…

Jeunesse et fête

La parole est à la jeunesse quand Arthur Perole interroge l’intimité des adolescents qui posent un regard poétique, tragique ou comique sur le corps qui change et la société qui les attend. Pour Nos corps vivants [notre critique], il est allé à la rencontre des collégiens d’aujourd’hui, avec leurs rêves et leurs angoisses, leurs désillusions et leurs envies de fête. Reprise par les danseurs de la Cie F, le rendu de cette enquête est aussi juste que joyeux.

Si Arthur Perole s’adresse à tous les publics, My (petit) Pogo de Fabrice Ramalingom est une version jeune public de My Pogo. Et même si Ramalingom met ce label entre parenthèses, il ajoute à la chorégraphie un volet pédagogique, où non seulement chaque représentation est suivie d’un bord de plateau, mais encore propose-t-il un atelier de pratique artistique en famille ainsi que des ateliers qui se déroulent dans des écoles élémentaires. Après tout, la question abordée dans My Pogo, à savoir la question de l’être ensemble et la difficulté à trouver sa place dans un groupe, concerne plus encore les petits que les grands.

À la fête, on chante : Le duo italien Alessandro Bernardeschi et Mauro Paccagnella (Cie Wooshing Machine) revêt micros, jupes et perruques afro pour entonner des airs populaires, de Simon & Garfunkel à Nina Simone, en passant par Marianne Faithfull, pour un bal de clôture absurde et ironique. Et donc, attention aux faux semblants : Malgré son titre, Closing Party (arrivederci e grazie)  ne signale en rien la fin des représentations à Pôle-Sud en 2024 ! La fin du monde est reportée, une fois de plus…

Finir 2024 en beauté

La fête est aussi dans les stades, et au plus tard depuis le mois d’août, plus personne n’est censé l’ignorer. Miet Warlop le savait bien avant les JO de Paris. One Song, spectacle au titre volontairement optimiste, qui a fait un tabac au Festival d’Automne à Paris en 2023, prouve la solvabilité des rites de supporters dans le concert rock. Les éléments qui relient les deux sont la communauté, la transe et l’extase. Voilà un spectacle qui va crescendo jusqu’à une sorte de danse de Saint-Guy, (un phénomène bien connu à Strasbourg depuis l’épidémie de danse de 1518 !), et pourtant de haute sensibilité humaine, vue que Warlop y introduit ses émotions à la suite d’une tragédie familiale.

Mais que fait à Pôle-Sud Fanny de Chaillé, qui en tant que directrice du Théâtre national Bordeaux Aquitaine met en scène quatre jeunes comédiens, pour leur donner la possibilité de livrer leur point de vue sur le monde ? Pour ce faire, ils passent par l’histoire du théâtre, plus précisément par Une autre histoire du théâtre. En mettant le théâtre en fête, perturbe-t-elle une programmation de CDCN ou est-ce l’aboutissement des chemins qui mènent ici la danse vers les terrains partagés entre danse, théâtre, ventriloquie et arts électroniques hors gabarit ?

Aux aventures transdisciplinaires des Feltz, Santisteva et autres Wooshing Machine, Joëlle Smadja ajoute le Dance Flore  de Kristine Groutsch et Marie Chauvière (collectif Les Filles d’Aplomb) qui allient textes, immersions sonores, chants, voix et danse collective, au ras du sol, pour révéler des mondes invisibles. Sur la piste de danse se crée alors une « danse des fleurs ». Ensuite, la vraie clôture de l’année 2024 appartient à Joachim Maudet et son Welcome où l’on revient à (l’association par) la dissociation entre gestes et paroles, aux êtres hybrides et aux décalages. L’ancien interprète d’Akram Khan et de Christian Ubl lance une exultation vitale, sans doute pour envoyer ses vœux de bienvenues à l’année 2025 qui commencera, comme on l’a dit plus haut, « avec elles ». À suivre…

Thomas Hahn
www.pole-sud.fr

Image de Preview : "Je Badine avec l'amour de Sylvain Riéjou © Vincent Curutchet.

Catégories: