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A June Events, une expédition sensorielle dans notre rapport à l’immatériel qui illumine corps et matières.

Chez Vania Vaneau l’être chorégraphique ne débarque pas seul sur le plateau. La Brésilienne qui s’est formée en son pays natal et à Bruxelles (à P.A.R.T.S.), définit le corps par strates physiques et psychiques (elle a également fait des études en psychologie) aime aller au contact avec la matière sous toutes ses coutures et relier le corps à son environnement. Dans sa première apparition, le solo Blanc, crée il y a dix ans, elle évoluait sous un dôme de vêtements. Puis elle traversa quelques fantasmagories comme dans ORA (Orée), s’intéressant en particulier aux rapports de l’homme à la nature et aux éléments, comme dans Nebula, solo donné en extérieur comme en intérieur.

Et déjà on y trouva la plasticienne Celia Gondol pour la scénographie et le duo Puce Muse pour la création et interprétation live d’une composition musicale en résonance avec les corps, leur environnement et la matière. Tous reviennent dans Heliosfera, pour un tour sous les projecteurs. Sauf que les sources lumineuses sont ici actives, tel un personnage voire plusieurs, et interviennent sans cesse, comme pour moduler les corps présents. Hélios fera : Le soleil sera au rendez-vous. Il surgira du brouillard ou du verre en cristal, puis plantera sa graine dans un bloc de glace. Une dramaturgie de la lumière va guider les corps au lieu de les suivre. La matière si présente dans les créations de Vaneau est ici immatérielle, mais non moins puissante. De la lumière, les quatre chercheurs examinent des facettes que nous ne comprenons pas, où les corps et la matière semblent parfois être l’œuvre de la lumière même, tel un retour aux sources, rappelant que dans la cosmogonie du monde occidental tout commença par le fiat lux aka Big Bang.

Heliosfera donc, telle une étude des relations entre l’humain et son environnement, un symbole des forces de la nature, une chorégraphie des sensations, une danse-théâtre performative qui commence dans une ambiance et par une situation qui ont tout d’une expédition, peut-être polaire. Des êtres débarquent dans un paysage imaginaire dont ils ont à se méfier autant qu’ils vont se l’approprier, alors que le brouillard s’installe sous les cintres et révèle des faisceaux obliques, parfois en errance. Les corps s’ouvrent aux éléments comme à la beauté d’un coucher de soleil et des bras humains semblent prendre feu. En observateurs troublés, nous suivons les aventures d’un quatuor tantôt attiré par le soleil, tantôt le fuyant. La lumière leur est réconfort, mais peut aussi effrayer et nous sommes traversés par leurs sensations de chaleur et par leurs réactions épidermiques quand la lumière semble vouloir s’inscrire dans les corps. Des cris muets se transforment en paysage sonore alors qu’un paysage blanc se dessine au sol, petit à petit, avant que le quatuor ne se transforme en créatures irradiées, en êtres mythologiques, fantastiques ou autrement animaliers qui s’adonnent peut-être à une cérémonie shamanique.

Portée par des sons qui eux aussi semblent diriger le quatuor dans ses pérégrinations surréelles, cette chorégraphie sensorielle, avec ses images parfois subliminales, tire moult inspirations de séances d’observation d’effets lumineux qui se produisent dans la nature comme en lien avec l’architecture. Et comme il se doit pour une pièce de danse qui veut faire sens, Heliosfera ne livre pas de recette ni de réponse, mais pose au contraire beaucoup de questions. Et ce non à la science mais à notre manière de percevoir ce qui nous entoure ou traverse.

Thomas Hahn

Le 25 mai 2024, Festival June Events, Théâtre de l’Aquarium

Photo de preview : Ambre et Pourpre/Atelier de Paris © David Le Borgne

Heliosfera
Conception, chorégraphie : Vania Vaneau Interprétation : Lee Davern, Nicolas Fayol, Steven Michel, Thi-Mai Nguyen Création lumière : Abigail Fowler Collaboration scénographie : Célia Gondol Création musicale : Nico Devos et Pénélope Michel (Puce Moment / Cercueil) Costumes : Vania Vaneau