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« Goal » d’Héla Fattoumi et Éric Lamoureux
La nouvelle pièce d’Héla Fattoumi et Éric Lamoureux, Goal, labellisée par « Paris 2024 » et son « Olympiade culturelle », estampillée « Pays de Montbéliard, capitale française de la culture », sera créée fin juin, au Carreau du Temple, dans le cadre du festival Jogging.
Trois-quarts d’heure durant, le sextet formé par Tristan Bénon, Meriem Bouajaja, Prunelle Bry, Mohamed Chniti, Mohamed Fouad et David Ramalho évoluera en tenue de sport siglée Gwendoline Bouget, sous « l’éclairage de stade » de Thierry Meyer et sur la musique d’Éric Lamoureux jouée live. Le rituel du match fait de toute évidence office de livret chorégraphique, qui débute, comme il se doit, par un temps d’échauffement de la petite troupe à base de « claquements talons-fesses, crissement du cuir et cliquetis des crampons ». Le vacarme du public devrait accompagner le coup d’envoi de la première – et dernière – mi-temps footballistique.
Héla Fattoumi et Éric Lamoureux interprètent à leur façon les notions de sport et de jeu. Ce par quoi ils se situent dans la lignée de la « danse dynamique » de la futuriste Valentine de Saint-Point, de ballets comme Skating Rink (1922) de Jean Börlin, LeTrain bleu (1924) de Bronislava Nijinska, Balance à trois (1955) de Jean Babilée, Sports and Follies (1974) de Paul Taylor, de numéros de music-hall et de pantomimes parodiant ou stylisant le sport, comme ceux du danseur d’avant-garde, membre du Groupe Octobre, Georges Pomiès ou de son imitateur sous l’Occupation Jacques Tati. Soit dit en passant, une des sœurs de Pomiès, Carmen fut elle-même une athlète accomplie : lanceuse de javelot médaillée de bronze aux Olympiades féminines de Monte Carlo de 1921 puis footballeuse internationale, capitaine de l’équipe de France féminine. Le ballon rond fut dès lors un sujet dont traitèrent les chorégraphes. Footballeur (1930) d’Assaf Messerer contribua à dépoussiérer le répertoire classique du Bolchoï. À l’occasion du Jogging de l’an dernier, Petter Jacobsson et Thomas Caley ont présenté au Carreau du Temple leur réjouissante pièce Discofoot (2016).
L’effectif de Goal, est plutôt celui d’une équipe de hand que de foot. Il est mixte, bien sûr, comme déjà du temps de Carmen Pomiès ou comme dans le cas de Discofoot. Les mouvements visent à sublimer ceux, prosaïques ou terre à terre de corps mus par l’émulation et prêts au combat. La pièce « convoque l’imaginaire universel du ballon rond et de ses intensités émotionnelles », indique la note d’intention des auteurs. C’est une performance, mais plutôt au sens artistique que ce mot a pris dans les arts plastiques et dans ceux de la scène. Autrement dit, les gestes y sont gratuits. Précisément, c’est la « dramaturgie d’un match de football », à base de « gestes clés et d’émotions », qui a permis à Fattoumi-Lamoureux, ex-étudiants en STAPS, à l’université René Descartes, de mettre au point les variations qui découlent du thème d’une pièce au titre parlant. Celui-ci est monosyllabique, bref et efficace ; le mot signifiait au XIXe siècle en Angleterre « but » dans le jeu des rois qu’est le polo avant de désigner le cadre où le marquer, au rugby, au hand comme au foot puis le gardien ou portier censé l’empêcher en protégeant sa cage.
Goal permet au couple artistique de renouer avec leur cursus sportif, de réinvestir et de réinventer les fondamentaux du football – aile de pigeon, amorti, brossé, ciseau retourné, contrôle orienté, crochet intérieur, jeu de tête, passement de jambe, plongeon, reprise de volée, roulette, tacle, talonnade, touche, etc. – qu’Éric Lamoureux et l’assistant chorégraphique de l’opus, Mohamed Chniti, ont pratiqué longtemps à un haut niveau. Nostalgie, quand tu nous tiens…
Nicolas Villodre
Vendredi 28 juin à 20h30 et samedi 29 juin à 18h au Carreau du Temple, Paris dans le cadre du Festival Jogging
Image de preview © Lamqayssi
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