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« HOUSE » de Sharon Eyal & Gai Behar à Montpellier Danse

Au Théâtre de la Vignette, on a pu assister à la première française de cette première création de Sharon Eyal avec sa nouvelle compagnie L-E-V. Érotisme et rigueur y produisent un mélange aussi fascinant qu’effrayant.

"House" @ D.R.

 

De 1990 à 2008, Sharon Eyal était respectivement danseuse, directrice artistique associée et chorégraphe associée à la célèbre Batsheva Dance Company de Tel Aviv. En 2013, elle saute le pas et crée L-E-V (« cœur » en hébreu), sa propre compagnie, se sentant enfin prête à mener sa propre barque. Mais elle est depuis longtemps une chorégraphe résolument internationale, invitée à créer à travers l’Europe.

Avec HOUSE, Eyal rebondit sur l’excellent Corps de Walk créé en 2011 avec Carte Blanche, la compagnie nationale de Norvège, désormais dirigée par Hooman Sharifi. Par ailleurs, ce dernier présenta en même temps à Montpellier Danse sa création Every order eventually loses it terror. Le hasard fait bien les choses, car les deux s’interrogent sur le rituel contemporain et le rapport entre sensualité et violence, sur l’énergie vitale face à la mort, sur l’autonomie de l’individu dans une sorte d’extase collective.

 

"House" @ Gadi Dagon

 

L’univers musical de HOUSE, créé par Ori Lichtik, reprend les principes de rigueur absolue explorés par les danseurs, autant dans leurs constellations que dans la gestuelle et l’articulation. À la lisière de la techno, elle peut devenir drôlement sombre, faisant penser à des groupes comme Kraftwerk ou Laibach. Le suspense créé résulte de cette friction permanente.

Après la référence au ballet, voici donc celle du clubbing, avec toujours la recherche sur la résistance d’expression individuelle dans un quasi-unisson, cheval de bataille dans Corps de Walk. On retrouve aussi les académiques très souples. Ici, leur couleur alterne entre le noir (pour des solos entre animalité et expressionnisme) et l’ivoire (pour des tableaux de groupe), comme les touches d’un piano. Mais il leur est difficile de se réunir.

"House" @ Gadi Dagon

 

Toute rencontre semble avoir lieu entre des automates qui s’animent le temps d’un soir, pour une fête sauvage dans un fort désir d’érotisme, mais sans pouvoir quitter leur condition machinale. Eyal transpose donc un motif du ballet classique dans l’univers de l’hédonisme actuel, tout en jouant sur des mythes de toutes les époques. Un tête-à-tête peut ici évoquer deux béliers, et les danses de couples qui s’esquissent parfois, en disent long sur leur impossibilité.
Cependant, avec la quinzaine d’interprètes de Carte Blanche il était plus aisé d’explorer l’emprise d’un ordre surpuissant et uniformisant sur l’individu, qu’avec les huit danseurs de L-E-V, la chorégraphe incluse. La dramaturgie de HOUSE est moins puissante et laisse flotter des incertitudes sur la destination de ce voyage nocturne.

"House" @ Gadi Dagon

 

S’agit-il d’une danse macabre ? HOUSE s’achève sur deux hommes aux bras écartés dans une ligne parfaite qui croise celle du tronc, comme pour renvoyer à la mort. Mais Eyal refuse d’appuyer la moindre interprétation de ces images troublantes et radicales. « Tout ce que vous voyez se joue dans vos têtes », disait-elle à la conférence de presse de Montpellier Danse, comme pour mieux renvoyer chacun à ses propres démons.

 

Thomas Hahn

 

Montpellier Danse, Théâtre la Vignette, 23 juin 2014

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