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Entretien Idio Chichava

Idio Chichava, chorégraphe mozambicain, ouvre cette nouvelle édition de June Events le 22 mai avec une création pour treize interprètes qui chantent et dansent, intitulée Vagabundus. Nous l’avons rencontré.

DCH : Vous créez Vagabundus avec treize danseurs mozambicains, comment les avez-vous rencontrés ?

Idio Chichava : La plupart de ces interprètes ont appris la danse à travers des rites d’initiation, dans leurs villages. Comme ils viennent de différentes parties du Mozambique, ils possèdent des danses différentes. Comme la danse et la musique ne sont pas séparées, ils chantent tous en chœur, beaucoup d’entre eux chantant dans les églises, ils ont tous une connaissance musicale assez développée. Dans Vagabundus, le chant maintient l’énergie du groupe. Mon seul apport est de les introduire aux processus de création, de travailler par rapport à leur expérience, questionner de nouvelles esthétiques, une réflexion sur l’espace scénique. D’où la nécessité également de travailler en s’inspirant du rituel de danse du peuple Makonde vivant au Mozambique et dans les pays voisins, avec ces danseurs qui le pratiquaient, pour les entraîner ailleurs. Et quand je regarde aujourd’hui Vagabundus, je vois apparaître un nouveau langage que je nomme « corps global ». C’est-à-dire qui ne dissocie pas la danse, la voix et le mouvement, l’énergie et le collectif qui est aussi un moyen de soutenir la qualité individuelle de chaque danseur.

C’est pourquoi ils chantent des chansons mozambicaines anciennes et actuelles, des gospels et des motifs baroques. Ce spectacle montre le collectif permet de dépasser notre potentiel. L'impact explosif de la danse et des voix n'a pas besoin de décors, de costumes élaborés ou d'effets de lumière pour toucher le public. Les seuls accessoires sont les possessions et les objets que chaque danseur garde en souvenir. Les pas et les mouvements rituels se décomposent en éléments qui sont reconnectés dans un récit de vie ; la vie comme un voyage constant, de rassemblement et d'être ensemble dans un groupe, un collectif, une communauté.

DCH : Pourquoi avoir choisi ce terme de Vagabundus, « vagabond », plutôt que migrant par exemple ?

Idio Chichava : Ètymologiquement parlant, Vagabundus c’est le voyageur, celui qui n’a pas de destin, toujours à la recherche d'un lieu pour s'installer ou pour continuer son voyage. C’est un terme un peu péjoratif, qui évoque un peu le brigandage. Mais je l’emploie plutôt dans le sens de questionner l’endroit où l’on est, ce qui « est voyagé » déplacé. Et même la migration à l’intérieur du corps. Ce qui se déplace en nous, physiquement, artistiquement, mentalement, quand on modifie sa pratique d’interprète. C’est aussi lié à mon retour au Mozambique, car je vis en France depuis longtemps, j’ai travaillé de nombreuses années avec Frank Micheletti et la compagnie Kubilaï Khan Investigations, donc Vagabundus fait aussi partie de ce processus de retour. Frank sera d’ailleurs présent le 22 mai à June Events pour un After. Ce qui me fait éminemment plaisir !

DCH : Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir vivre au Mozambique ?

Idio Chichava : J’ai vécu quatorze ans en France. Quand je revenais, environ deux fois par an, j’étais considéré comme un touriste dans mon propre pays. Et je voulais y créer une compagnie professionnelle, afin de contribuer à la reconnaissance de la danse en tant que métier à part entière.

DCH : Mais pourtant il y a toujours eu de la danse professionnelle au Mozambique avec des chorégraphes comme Panaïbra Gabriel Canda, Augusto Cuvillas, ou Horácio Macuacua…

Idio Chichava : Bien sûr. J’ai moi-même travaillé dans l'équipe de CulturArte  la première compagnie de danse contemporaine du Mozambique, avec les chorégraphes que vous citez,. C’est pourquoi il existe toujours des gens qui vivent de la danse au Mozambique, moi compris ! Mais c’est difficile, il faut donner des cours, ou autres… Il n'y a pas vraiment un système, un mécanisme d'aide au développement de la danse. Dans les années 2000, la danse contemporaine s’est développée car elle était soutenue par l’extérieur, notamment la France. Mais il n’y a jamais eu de volonté de développer la danse locale. C’est aussi pourquoi j’ai été commissaire adjoint de la plateforme multidisciplinaire KINANI et conservateur de la Semaine de la danse - 2022, afin de me battre pour l’existence de la danse dans mon pays.

Propos recueillis par Agnès Izrine

Vagabundus est donné au Théâtre de l’Aquarium les 22 mai et 23 mai en ouverture de June Events

 

 

 

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