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« Quel que resta » de Simona Bertuzzi
Au festival Trajectoires, Simona Bertozzi livre une pièce où l’impétuosité et la persistance des corps agencent un vocabulaire d’attentes et de départs.
Quel que resta (ce qui reste), réunit Simona Bertuzzi et Marta Ciappina qui a d’ailleurs reçu un Prix pour son interprétation, précisément dans cette pièce. Le titre, aussi mystérieux soit-il, dit pourtant tout de ce duo sensible, dont tout le charme réside dans l’articulation du mouvement et les interrogations qu’il suscite. Leurs décalages, leurs façons d’interpréter un même geste, une séquence identique, font le sel du spectacle, tout comme certaines figures qui présentent un caractère absurde, voire clownesque, comme ces déplacements latéraux les pattes écartées. Pattes car pendant ce temps, la bande-son est celle d’un documentaire italien sur la vie des animaux de la savane, la girafe et le rhinocéros, et principalement les mœurs et comportements des hippopotames.
Galerie photo © Luca Del Pia
Bien entendu, la gestuelle est totalement déconnectée du discours et n’imite en rien les animaux sus-cités, néanmoins il existe une sorte d’animalité un peu étrange dans la manière de se dégingander, de lancer bras et jambes, de gambader en sautillant, de gambiller en sautant, de galoper ou de se lancer dans des mouvements si destructurés et si complexes que l’on peine à les nommer ou les qualifier. Simona Bertozzi a une sorte de désordre intérieur que contredit son corps hyperconnecté. Elle a une allonge extraordinaire. Ses membres bougent avec une liberté insensée, comme s’ils étaient autonomes du reste de son corps, et en même temps elle travaille à l’intérieur d’une forme de mouvement perpétuel qu’elle ne lâche jamais. Marta Ciappina est beaucoup plus sage, plus lisible, mais pas forcément plus précise. A elles deux, elles inventent un dialogue dansé aussi élégant qu’incongru, aussi surprenant que virtuose. Leurs attitudes, très travaillées, restent énigmatiques, justement à cause d’une narrativité diffuse que suggèrent mouvements et enchaînements, tout comme leur engagement physique presque sans limite.
C’est d’ailleurs peut-être là que gît l’étrangeté de Quel que resta. Comme si nous n’assistions qu’à une danse d’après-coup. Qui tournerait autour d’une disparition, une absence au cœur de cette chorégraphie pourtant si vivace et qui met en évidence de manière subtile l’essence même de la danse, soit l’évanouissement inévitable de l’instant précédent, une origine toujours fuyante, une présence fugace que seul l’horizon du geste suivant peut rendre bouleversante. On ne vous révèlera pas la fin pour vous laisser découvrir, in fine… ce qui reste !
Agnès Izrine
Le 12 janvier 2024, Festival Trajectoires, Centre Chorégraphique national de Nantes.
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