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Le directeur du CCN Le Havre-Normandie détaille son projet artistique pour la métropole  et la région. 

DCH : Depuis que vous avez pris les rênes du CCN le Havre-Normandie, quel est votre regard sur votre arrivée dans le cercle des 19 chorégraphes directrices et directeurs ? Aviez-vous déjà déposé un dossier pour d’autres CCN avant Le Havre ? 

Fouad Boussouf : C’était ma première candidature, et j’ai adoré le processus. Il m’a fallu me remettre en question, savoir ce que je voulais et qui j’étais. J’ai pris cet acte très au sérieux et pour être honnête, je pense que la pandémie m’a aidé parce que les tournées étaient en stand-by et j’avais donc plus de temps à consacrer à ce projet. J’étais aussi très disponible pour questionner le sens même de mon travail. Ensuite, au CCN, j’ai beaucoup appris sur la gestion des équipes, et cela fait partie de mon travail comme artiste chorégraphique. Dans tout collectif on a des individualités qui s’expriment avec plus de force que d’autres et mon travail de chef d’orchestre est de faire en sorte que tout le monde puisse jouer la même partition, en même temps. 

DCH : Comment avez-vous abordé la ville et le territoire ? 

Fouad Boussouf :J’ai visité le CCN et la ville et puis j’ai réfléchi longuement si c’était le bon endroit pour moi. Ce que j’aime c’est qu’on y peut créer, pratiquer, accueillir et organiser des spectacles dans un seul et même lieu, ce qui n’est pas le cas de tous les CCN. Et la ville du Havre a un potentiel extraordinaire. En même temps c’est un CCN à taille humaine. Tout cela me correspond parfaitement. 

DCH : Avez-vous déjà pu mettre en place des projets que vous avez imaginés ? Quelle est votre vision pour le CCN ?

Fouad Boussouf : On a fait des travaux dans le but de donner au lieu une nouvelle dynamique au sein de la ville et de la région. Nous sommes en train de terminer les travaux dans le hall pour le rendre plus accueillant et convivial, pour les artistes comme pour le public et aussi pour notre équipe que j’ai recomposée à mon image. Et je présente en 2023/24 la première saison réellement conçue par mes soins. 

DCH : Quel est votre projet artistique ? 

Fouad Boussouf  : J’ai postulé avec un projet intitulé « Enchanter le quotidien », construit à partir de l’idée de mettre de la danse partout où on ne l’attend pas, sur ce territoire qui se prête formidablement à la danse, avec son architecture et les couleurs de ses paysages. Les peintres impressionnistes ne s’y sont pas trompés. Et à l’intérieur des salles, il faut qu’on puisse voir les esthétiques les plus diverses et parfois hybrides, du hip-hop à la danse contemporaine, en passant par le flamenco et même le tango contemporain. Il faut que la danse soit plus accessible et plus populaire, sans que l’on renonce à l’exigence artistique. C’est un grand challenge, mais c’est possible. Et il faut que la danse pour amateurs se développe beaucoup plus. 

DCH : Pouvez-vous aussi nous parler de vos relations avec les directions des dix-huit autres CCN ?

Fouad Boussouf : Je remercie les directions qui m’ont aidé en me donnant des conseils pendant le processus de candidature. Beaucoup d’échanges de bons procédés ont lieu entre nous et on se donne des conseils comme par exemple sur des artistes à suivre. L’ambiance est très bienveillante. En même temps nous sommes en quelque sorte en compétition, dans le sens où de mon côté, je suis très admiratif de ce que certains CCN réussissent à mettre en place, par exemple concernant leur communication et leur visibilité, aussi à l’international. C’est inspirant. 

DCH : Y a-t-il des danseurs permanents au CCN Le Havre Normandie ? 

Fouad Boussouf : Non, c’est impossible, par manque de place. C’est magnifique d’avoir des danseurs permanents comme à Genève où je viens de faire une création, mais il est tout aussi passionnant de rencontrer de nouveaux danseurs pour chaque projet. Je continue donc à travailler en recrutant les interprètes selon mes projets de création, et j’espère pouvoir, car tel est le sens même des CCN, pouvoir affirmer un peu plus mon écriture et mon esthétique. Et bien sûr, le soutien aux compagnies indépendantes de la région fait partie de mon projet, d’autant plus que peu de compagnies sont implantées sur ce territoire. Aussi le CCN se doit d’être à leurs côtés. 

Propos recueillis par Thomas Hahn, septembre 2023