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A la fois cirque – mais sans la moindre performance spectaculaire – et danse, mais plutôt minimale, arts visuels, grâce à la scénographie impressionnante de James Brandily, et musique, piochée dans toutes sortes de registres réunis dans une création sonore rythmée très réussie de Ludovic Enderlen. Une forme réellement opératique, donc, mais dont la grandeur en profite pour mettre à mal la mégalomanie colonisatrice des conquistadores de tout bords, et déboulonne le vieux monde en proposant de nouvelles façons de faire et d’être – notamment sur scène.

Dans une installation plastique grandiose, une « forêt de symboles » dirait Baudelaire, où les sons, les mouvements et les couleurs se répondent, Justine Berthillot et Mosi Espinoza nous racontent l’inéluctable disparition de la forêt et des peuples et pratiques qui l’habitent. D’abord grimés de masques péruviens issus de la chonguinada , une danse se moquant des colons blancs, et de costumes dans le style du XVIe siècle évoquant les conquistadores, ils plantent – si l’on peut dire – le décor et le propos. Pétrole, machettes, et allusions à la religion, un arbre magnifique, des soieries pourpres, une pirogue renversée, des affiches fluo « chichas » péruviennes, et un frigo parsèment le plateau. Pourtant, rien de narratif dans cette pièce, mais des « membres fantômes » qui hantent les mouvements de nos deux circassiens danseurs, comme si des corps invisibles les doublaient, les dédoublaient. A nous d’en déchiffrer les traces dans ces sauts en apnée, ces enchevêtrements imprévisibles, ces portés suspendus, ces accélérés redoutables, ces gestes qui se dégingandent, se saccadent ou s’épinglent dans l’air. Des tirés-glissés évoquent irrésistiblement les rapports de domination, entre les hommes, mais aussi entre hommes et animaux, la bête n’étant jamais celle que l’on croit.