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Une super saison danse et cirque au Théâtre National de Nice !

Bintou Dembélé, Angelin Preljocaj, Thierry Malandain, Raphaëlle Boitel et de nouveaux artistes associés au TNN, entre octobre et mai. 

Le Théâtre National de Nice (TNN) aborde la saison 2023/24 en déployant ses spectacles dans deux salles, celle de La Cuisine (600 places, numérotées) et celle des Franciscains (200 places, non numérotées). Entre une riche programmation théâtrale, une suite danse – cirque – danse ponctue la saison, d’octobre à mai. Et la danse trouve cette fois un partenaire stratégique, non loin de Nice et toujours sur la Côte d’Azur. Le Festival de Danse de Cannes accueille Thierry Malandain et logiquement, ce sera en novembre quand aura lieu le festival, dirigé par Didier Deschamps. 

La danse hors gabarit

La danse est présente dès le mois d’octobre, et c’est Bintou Dembélé qui lance les manœuvres, dans deux formats très particuliers. Primo, elle sera, en octobre, la première chorégraphe à participer à la série de rencontres, les Conversations intimes qui ont eu lieu, jusqu’ici, avec de nombreuses personnalités de théâtre et peuvent être écoutées sur le site internet du TNN. La rencontre sera suivie de la projection du court-métrage S/T/R/A/T/E/S  de Bintou Dembélé et d'un échange entre l'artiste et Éric Oberdorff, pour présenter la 6e édition de Nice Dance Film, compétition internationale de vidéo-danse élaborée par le même Oberdorff, chorégraphe et directeur de la Compagne Humaine, implantée à Nice.

Ensuite, c’est G.R.O.O.V.E., la formule XXL et déambulatoire pour une vingtaine de danseurs, grâce à laquelle Dembélé a fait grand bruit aux festivals de Marseille et d’Avignon [lire notre critique] et qui a été coproduite par le TNN. Ce qui veut dire que l’annonce de sa directrice Muriel Mayette-Holtz, faite dans notre entretien en 2022 [lire notre entretien] de se lancer petit à petit  dans la production de spectacles, commence à devenir réalité. Serait-ce de bon augure pour la suite ? 

Un format hors gabarit comme G.R.O.O.V.E – par ailleurs « Une soirée extravagante fort bien conçue avec des interprètes exceptionnels dotés d’une incroyable présence dans une performance époustouflante d’intelligence » selon notre consœur Sophie Lesort, enthousiaste [lire notre critique] – pose bien sûr la question de son espace de représentation. La réponse sera apportée par le Théâtre Anthea d’Antibes, pour la première fois partenaire du TNN. 

Et pour reprendre ici les mots de Bintou Dembélé : « Le groove, ça commence par un contexte, un environnement sonore, une ambiance, un rythme qui s’installe on ne sait comment, un instant à saisir, à suspendre. Certains le vivent de l’intérieur, d’autres le visualisent ou le kiffent tout simplement. Moi je l’habite, ça ne s’explique pas. Égoïsme pur, un moment qui nous appartient et marque le tempo, mais qui au bout d’un temps, invite au partage. On est ensemble, on se célèbre, d’un regard, d’un geste, ou d’une syncope. » 

Les Saisons : Malandain en création mondiale

Dans la continuité de leur partenariat, le TNN et le Festival de danse de Cannes proposent deux spectacles. Avec Les Saisons, Thierry Malandain se lance dans une nouvelle aventure musicale et chorégraphique, réservant au public du TNN et du Festival de danse de Cannes la création mondiale d’un ballet contemporain qui navigue entre Les Quatre Saisons d’Antonio Vivaldi et l’œuvre éponyme de Giovanni Antonio Guido, contemporain de Vivaldi qui fit carrière à Paris sous la régence de Philippe d’Orléans et le règne de Louis XIV et était animé par un esprit musical résolument différent. 

C’est donc un défi comme Malandain aime les relever, pour interroger par la danse les rapports entre l’humain et la nature, en nous faisant traverser chorégraphiquement deux printemps, deux étés, deux automnes et deux hivers. Ce qui correspond parfaitement au changement climatique qui voit tout phénomène météorologique doubler de puissance, quelque part dans le monde, du plus chaud au plus froid, du plus sec au plus torrentiel. 

Saison de cirque

Également en novembre, commencera le volet circassien de la saison du TNN, dans l’esprit très chorégraphique d’Alexander Vantournhout, aujourd’hui une référence incontournable du genre. Son duo Through the Grapevine, le deuxième spectacle partenaire de la saison, rebondit sur l’approche pleine d’autodérision de son solo Aneckxander qui l'a révélé au public comme référence dans le cirque chorégraphique du 21siècle. 

Du corps absurde de Vantournhout aux cinq femmes clowns de Sandrine Le Métayer, il n’y a qu’un pas. Dans la farine invisible de l’air est le titre assez fantasque de ce quintet. Et enfarinées, elles le sont en effet de façon invisible, errant dans la vie et saluant peut-être de loin leurs semblables de May B  de Maguy Marin….

Qui dit cirque, dit acrobatie, et celle-ci arrive en grand, avec les Québécois de Machine de Cirque et leurs tourbillons à la planche coréenne, les quilles, la batterie, et même la serviette de bain. Leurs prouesses et leur ingéniosité ont fait de Machine de Cirque un classique du genre. 

Joris Frigeirio est circassien et nouvel artiste associé au TNN qui coproduit Citizen, sa nouvelle création qui se veut un retour aux sources et à un cirque épuré, en se concentrant sur « la musique du corps ». Co-écrit et mis en scène par Marine Larat, Citizen est un quintet qui nous met face à notre frénésie et à l’empressement maléfique qui contaminent notre quotidien. Ce qui, traduit en langages circassiens, promet rires et étonnement. 

En mars, le TNN accueille Raphaëlle Boitel et sa Compagnie L’Oublié(e) qui crée sa première pièce pour le jeune public, duo où les adultes pourront se référer au mythe d’Orphée et d’Eurydice. « Je voulais parler de la place de la femme et de celle de l’homme dans la société, des stéréotypes de genres. J’aime beaucoup le mythe d’Orphée et Eurydice. Dans ce projet, il y a un homme et une femme. L’homme est en quelque sorte un Orphée maladroit qui ne sait pas y faire, la femme est une Eurydice forte. Plusieurs arts s’y croisent : cirque, danse, théâtre d’objets, musique », dit-elle de cet Un contre Un, interprété par Alejandro Escobedo et Julieta Salz. 

Une dimension chorégraphique n’est jamais absente chez Miet Warlop, qui a créé l’événement avec One Song, entre autres au Festival d’Avignon. Mais elle vient au TNN avec une œuvre beaucoup plus drôle, After all Springville, où elle dévoile son côté d’artiste plasticienne. C’st autour d’une maison qui s’anime tel un corps qu’elle revisite nos souvenirs d’enfance et l’absurdité de la  vie d’adulte, avec cet ajout au titre : [Disasters and Amusement Parks].  

Trois nuances de Preljocaj 

Conclusion en fanfare, en mai avec Angelin Preljocaj qui présentera son programme dévoilé en juin dernier en ouverture du festival Montpellier Danse : une suite de trois pièces dont deux – Annonciation et Noces –de son répertoire et Torpeur, la création qui fait le lien entre les deux classiques du directeur du CCN d’Aix-en-Provence. Si Annonciation raconte la scène biblique durant laquelle l’Archange Gabriel apprend à Marie qu’elle va donner naissance au fils de Dieu,Torpeur  en est la suite logique, et elle est ici vécue à dix [lire note critique].  

Qu’en dit le chorégraphe ? « La torpeur est un état de corps, entre la sidération, la prostration, la nonchalance, l’abattement, et l’abandon. Cet état évoque un renoncement et peut générer une forme de sensualité voire une grâce languissante. Le contact et la relation à l’autre s’engagent alors lentement, teintés d’une saveur pesante. Convoquer à nouveau les corps, l’espace et le temps, pour donner une forme à l’indolence, pour trouver un rythme à la lenteur et peut-être inventer une nouvelle grammaire paresseuse de l’hébétude, voilà les enjeux de ce projet. » Ensuite, avec Noces, l’événement prometteur d’avenir et en même temps perturbateur, permet de sortir avec fracas de tout état d’abandon. Ivresse, vertige et drame dans la chaleur niçoise au mois de mai…

Thomas Hahn

Théâtre national de Nice

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