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« Les Sentinelles 2 » de Nacera Belaza

Que surveillent donc ces sentinelles ? À moins qu’elles ne nous appellent nous mêmes à la vigilance ? Nacera Belaza reprend une de ses pièces phares, créée en 2010, qu’elle transmet à une dizaine de danseuses.rs professionnel.les et amatrices pour les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint-Denis.

On se souvient encore de la sensation d’abandon et de vertige que nous avait procuré Les Sentinelles, cette même pièce créée par Nacera Belaza avec sa sœur, Dalila en 2010. Une forme d’unisson tout à fait imprévue dans sa prétendue immobilité, qui instaure avec Le Cri (2008), une sorte de matrice aux pièces qui suivront. Le principe en est simple, mais d’une densité peu commune, puisqu’il s’agissait pour les danseuses de rester dans une vigilance de chaque instant tout en se laissant envahir par un présent infini, pour que les spectateurs puissent se laisser aller à contempler leur propre état intérieur. Transmettre une telle œuvre à neuf interprètes, dont quatre amatrices, semblait, a priori, une gageure, d’autant qu’il est question rien moins que « persévérer dans son être ». Pourtant, le défi est ici relevé.

Dans une pénombre propice surgissent Les Sentinelles comme une effraction du temps. Que surveillent-elles ? Nul ne saurait le dire. Ou peut-être se tiennent-elles à la lisière du vide, à l’arête d’une étendue dont rien ne peut poindre. Le son insiste en tournoyant, revenant toujours à son point de départ, tandis qu’elles, ne le quittent pas. Jamais. Elles sont dans une immobilité radicale. Inflexible. Volontaire. Et pourtant elles se meuvent – un imperceptible sensationnel, à condition d’être attentif ou de s’installer dans la béance ouverte par Nacera Belaza. Se laisser bercer par ce cheminement invisible, ce mouvement immuable qui pourrait être aussi bien spirituel que dansant. Parfois un visage qui se tourne vers le ciel semblerait l’indiquer, même si cet air céleste fait tout autant référence à une veille intérieure, une prise de conscience au sens propre du terme. Un déplacement en quelque sorte.

La multiplication des interprètes rend presque palpable cette immuabilité du temps et de l’attente, distend l’espace mais aussi modifie légèrement la pièce initiale car chaque corps se distingue de l’autre par d’infimes différences, parfois accentuées par la chorégraphe (comme dans notre exemple du visage au ciel), parfois impromptues (mais sans doute pas involontaires) car chaque être a sa façon singulière et irréductible de prendre le mouvement, et chaque corps insuffle, à son insu, une présence unique qui se fond dans cette masse chorale.

En tout cas, le spectacle est toujours aussi méditatif, hypnotique et extra-ordinaire, que lors de sa découverte dans sa première version.

Agnès Izrine

Le 10 juin 2023 à la MC 93 Bobigny, dans le cadre des Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine Saint-Denis

 

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