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Entretien avec Julien Andujar
Enrichi par ses multiples pratiques artistiques, chorégraphe, danseur, chanteur, auteur et comédien, Julien Andujar livre une œuvre intime et bouleversante mais pour autant pleine d’humour et délirante sur la vraie disparition de sa sœur aînée Tatiana le 24 septembre 1995, vue pour la dernière fois à la gare de Perpignan. Il raconte sincèrement ce qui l’a poussé à engendrer une pièce sur cette tragique histoire.
A découvrir au Festival La Maison Danse à Uzès du 7 au 9 juin 2024.
Danser Canal Historique : Pourquoi avoir voulu mettre sur scène ces souvenirs si dramatiques ?
Julien Andujar : Suite à une enquête qui a abouti à un non lieu, j’ai dit à ma mère, il y a quelques années, que je voulais l’aider. Mais depuis cette tragédie elle fait tout pour me protéger, et m’a répondu qu’en tant que petit frère, ce n’était pas mon rôle.
DCH : Quel âge aviez-vous au moment de la disparition de votre grande sœur ?
Julien Andujar : J’avais 11 ans et Tatiana, qui était un modèle pour moi, en avait 17. Aujourd’hui, j’ai 38 ans et ma sœur a donc disparu depuis 28 ans. C’est pourquoi, en tant qu’adulte, je crée ce spectacle par le prisme d’un enfant de 11 ans qui se permet toutes les libertés. Chanter, se déguiser, danser, parler avec plusieurs accents, faire le clown.
DCH : Quelles ont été vos raisons pour aboutir à la création de Tatiana ?
(lire notre critique)
Julien Andujar : J’estime légitime d’avoir ce pouvoir en tant que frère et artiste. Mon objectif, qui germe depuis longtemps, est d’apporter ma parole comme un contrepoint face à cette enquête si médiatisée. Comment réparer quelque chose qui s’est brisé et apporter mes versions sur les rumeurs, les attitudes des gendarmes, amis, avocats, voisins, instituteurs, journalistes…
DCH : Combien de temps vous a-t-il fallu pour écrire la pièce ?
Julien Andujar : Ce fut une longue gestation de plus de deux ans. Je me suis tout d’abord inspiré des films d’Almodovar qui sont basés sur des scénarios très complexes. Puis pour démontrer que l’humour est très puissant dans le drame, j’ai pensé à Élie Kakou et à Louis de Funès pour croiser le beau et le laid, rendre humain ce qui est complexe, attachant et haïssable.
DCH : Dans la construction de votre spectacle, vous prenez un malin plaisir à brouiller les cartes. C’est très déroutant.
Julien Andujar : C’est effectivement mon objectif. J’accueille chaque spectateur en lui offrant de la tortilla et parfois l’accompagne à sa place avec un mot drôle. Donc avant que je sois sur scène, le public sait qu’il va rire. Ensuite, je rejoins le plateau et raconte la raison de cette pièce. Puis, je disparais pour revenir comme un enfant rentre dans une photo qui se démantèle, comme si je la brisais en mille morceaux. Entre ma robe qui ressemble au morceau de rideau du décor de Rachel Garcia inspiré de Dali et les musiques de mon frère Alex surgissent une succession de petites énigmes délirantes.
DCH : Vous arrivez à faire tellement rire le public, qu’il croit assister à un stand up. Est-ce votre vœu ?
Julien Andujar : L’humour est fédérateur, c’est mon filet. Cette distance me permet justement d’aller très loin dans mes numéros et mes propos.
Danser Canal Historique : Mais le final est poignant grâce à votre progression dramaturgique exceptionnellement bien pensée.
Julien Andujar : Merci. En fait, après avoir éclaté de rire pendant plus d’une heure et demie, le public ne s’attend vraiment pas à ma chute. En quelques mots, je lui rappelle que la pièce à laquelle il vient d’assister est un hommage à ma sœur Tatiana disparue il y a 28 ans et jamais retrouvée. Le silence qui s’ensuit est d’une puissance incroyable. Et, lorsque je croise les gens qui sortent de la salle certains me remercient, d’autres sont en larmes.
Sans pour autant la résoudre, j’ai réparé l’histoire !
Propos recueillis par Sophie Lesort
Vingt-sept ans après, l’enquête sur la disparition de Tatiana a été confiée au pôle judiciaire de Nanterre dédié aux « cold cases ».
Tatiana de Julien Andujar : 1er juin à 20h au Théâtre de l'Aquarium dans le cadre de June Events (30 mai au 17 juin 2023) -
Atelier de Paris/CDCN
Du 7 au 9 juin 2024 à Uzès dans le cadre du Festival La Maison Danse
Épisodes 1, 2 et 3
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