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« In Comune » d’Ambra Senatore
Parler, danser, fêter, pleurer… ensemble. Et créer. Eloge de la diversité par douze individus remarquablement soudés.
Elle a décidé tardivement du titre, juste avant la première : In Comune. Ce qui ne veut pas dire qu’Ambra Senatore soit devenue communarde. La réalité est plus terre-à-terre. Les douze interprètes – elles ou ils s’appellent Romual, Olimpia, Youness, Chandra, Marie etc. – mettent sur le plateau ce qu’ils ont en commun. Le sujet est donc aussi limpide que cela, mais tout aussi complexe à vivre dans la réalité. Or, on sent à tout instant que leur communauté, dans toute sa diversité, n’est ni un artefact, ni mis en scène pour tenir un discours. La profonde amitié qui s’exprime – qui n’exclut pas quelques facéties – repose sur des liens à la ville qui nourrissent leur représentation à la scène.
L’ambiance est à la fête et au partage. Régulièrement évoqué par les danseur-acteurs, le sujet de la pièce n’est autre que cette communauté cosmopolite : « Comment faire, réaliser, créer quelque chose ensemble ? » Banale en apparence, la question part de la situation de création pour devenir une métaphore de la coexistence, toutes échelles confondues. Et on retient moins telle ou telle action chorégraphique que le naturel désarmant de ce créer-ensemble, fêter-ensemble, pleurer-ensemble.
Car les obsèques aussi font partie de la vie et permettent de se rappeler ce qu’on a en commun, à travers les cultures. Il est évident qu’un tel sujet, s’il apparaît dans la pièce – il donne ici lieu à un portrait de groupe très vivant aux visages en pleurs – a été mis sur le plateau au cours des échanges au sein de la troupe, évoqués par Senatore [lire notre entretien].
Galerie photo © Laurent Philippe
La salle restant éclairée au début, la chorégraphe s’adresse d’emblée au public pour créer un espace partagé, sensation qui ne se dément jamais. Et en fin de spectacle, les lumières se rallument au-dessus des gradins, alors qu’une chaîne humaine passe du plateau à la salle, jusqu’à impliquer quelques spectateurs. On ajoutera que l’idée de partage dépasse ici les espèces, quelques interprètes évoquant par leurs postures et gestes nos amis à quatre pattes, ce qui est au fond une autre manière de nous rappeler ce qui nous lie en tant qu’humains.
Bref, In Comune est certes différente de certaines pièces iconiques précédentes de Senatore, ne serait-ce que par la diversité et le nombre des interprètes, en forte augmentation, mais la patte de la directrice du CCN de Nantes est plus authentique que jamais, avec sa danse-théâtre tournée vers l’autre et cet humour subtil et ironique dont Ambra Senatore a le secret. Atteindre une telle évidence est du grand art. Tout simplement.
Thomas Hahn
Vu le 7 avril 2023, Paris, Le Monfort avec le Théâtre de la Ville
Chorégraphie : Ambra Senatore avec la complicité des danseur•euse•s interprètes
Sur Scène : Youness Aboulakoul, Pauline Bigot, Pieradolfo Ciulli, Matthieu Coulon Faudemer, Lee Davern, Olimpia Fortuni, Chandra Grangean, Romual Kabore, Alice Lada, Antoine Roux-Briffaud, Marie Rual, Ambra Senatore
Musique originale : Jonathan Seilman
Lumières : Fausto Bonvini
Costumes : Fanny Brouste
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