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« Les Porte-Voix (cabaret ventriloque) » de Yasmine Hugonnet
L’art de feindre surprenant, intelligent, fascinant et poétique.
Qui n’a pas le souvenir des ventriloques de notre enfance où un artiste donnait vie et surtout la parole à une marionnette qu’il manipulait ? Depuis cette époque, la ventriloquie a évolué au sein de sphères différentes et Yasmine Hugonnet le prouve avec Les Porte-voix, une pièce conçue tel un récit vocal et chorégraphique.
Á l’Atelier de Paris, dans le cadre de la biennale de danse du Val-de-Marne, trônent sur le plateau différentes sculptures immaculées blanches qui semblent avoir été érodées par le temps.
En s’inspirant de l’ouvrage Le Ventriloque, Ou l'Engastrimythe, de l’Abbé de la Chapelle (1772) etd’extraits de textes et conférences de Claudine Cohen, spécialiste de la paléontologie et de la Préhistoire, Yasmine Hugonnet déroule une histoire qui débute avec les illustrations découvertes dans la grotte Chauvet.
Entourée par Matthieu Barbin, Ruth Childs et Madeleine Fournier, la danseuse et chorégraphe démontre que, contrairement à l’homme aventurier, la femme est peu présente dans ces magnifiques dessins.
Galerie photo © Anne-Laure Lechat
Ces explications sont très habilement exprimées sans bouger les lèvres alors que l’on entend parfaitement bien les phrases des quatre interprètes. De fil en aiguille, ils se déplacent gracieusement dans une chorégraphie du corps composée de mouvements de bras faisant songer parfois à la langue des signes.
L’intrigue évolue à la frontière du spirituel et du politique par le biais de la voix qui voyage entre les différents corps. Dans un style surréaliste, grognements, chants, voix d’enfant s’emparent aussi de thèmes sur l’amour, le féminisme et la crise climatique.
Tout fait réfléchir, car on finit par s’interroger sur l’origine des sculptures qui, en fin de compte, déterminent certainement des ossements du visage en corrélation avec la notion de ventriloquie.
Dans une ambiance empreinte de pureté née des lumières de Dominique Dardant et de la musique originale de Michael Nick, les langages parlés, chantés et dansés se juxtaposent, se superposent, se séparent, rebondissent, puis se réunissent à nouveau.
Les visages étant quasiment inexpressifs, il est impossible de savoir d’où proviennent les sons car les lèvres des artistes ne bougent absolument pas. Bien qu’on s’attache à scruter attentivement les respirations, cette tendance contradictoire donne le sentiment de retrouver la curiosité de son âme d’enfant.
Ce fascinant et surprenant cabaret ventriloque qui voyage à travers le temps est d’une rare intelligence et l’exceptionnelle technique vocale et physique émerveille et bluffe le public par son originalité et sa précision. Un moment très rare !
Sophie Lesort
Spectacle vu le 14 mars 2023 à l’Atelier de Paris dans le cadre de la biennale de danse du Val-de-Marne.
Biennale de danse du Val-de-Marne, jusqu’au 6 avril 2023
Les Porte-Voix(cabaret ventriloque
Chorégraphie, conception : Yasmine Hugonnet
Interprètes : Matthieu Barbin, Ruth Childs, Madeleine Fournier, Yasmine Hugonnet
Textes : extraits de Le Ventriloque, Ou l'Engastrimythe, Abbé de la Chapelle (c.1772) ; Extraits de conférences et textes de Claudine Cohen : Yasmine Hugonnet et les interprètes. Traduction des textes : Sarah-Jane Moloney
Collaboration artistique et composition musicale : Michael Nick
Conception scénographie et costumes : Nadia Lauro
Collaboratrice à la dramaturgie : Stéphanie Bayle
Regards & replay : Jeanne Colin
Assistantes : Lisa Vilret, Sarah Bucher
Direction technique : Adrien Gardel
Création lumières : Dominique Dardant
Régie Plateau : Sonya Troillet
Réalisation scénographie : Nadia Lauro, Charlotte Wallet, Mickael Leblond, Marie Maresca, Nino Podalydès
Réalisation costumes : Théâtre Vidy-Lausanne
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