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« Nice Trip » de Mathieu Desseigne-Ravel et Michel Schweizer
Une pièce puissante sur l’évolution révoltante des systèmes de frontières. A voir au Centquatre-Paris dans le cadre du festival Séquence Danse du 21 et 23 mars.
En ayant pour thème les 40000 kilomètres de murs frontières qui entravent les mobilités humaines d’enfants, de femmes et d’hommes désireux de sauver leur vie, cette pièce conçue par Michel Schweizer et Mathieu Desseigne-Ravel, aborde un sujet terrible et effrayant.
En corrélation avec des dessins très réalistes de fils barbelés, les récits des deux interprètes sont ponctués par des prouesses physiques de Mathieu, acrobate et danseur chez Alain Platel. Sa chorégraphie très précise sur le plan technique et ses sauts périlleux envahissent l’espace laissant ainsi percevoir l’intention de franchir les frontières au risque de se blesser ou de mourir.
Mais alors qu’une urne mortuaire est déposée sur le plateau, l’histoire se développe lorsqu’ils évoquent l’un et l’autre l’invention de nouveaux barbelés aux lames plus acérées soit bien plus dangereux pour l’Homme. Alors, ils interrogent le public, « que pensez-vous de cette innovation, de cette frontière ? »
Dans la salle, un jeune adolescent émet quelques idées et monte sur scène.L’idée de faire intervenir Abel Secco-Lumbroso (14 ans) face à des descriptions aussi vraies et intenses est excellente car il représente la candeur et la fraicheur d’une jeunesse qui va devoir subir les situations dramatiques des émigrés politiques, économiques et climatiques.Incroyable de justesse aussi bien dans les mots que lors de ses prouesses physiques, il symbolise un futur proche. Prêt à tout pour vivre et renier les inventions monstrueuses des adultes, il demeure persuadé qu’aucune frontière ne le bloquera.
Galerie photo © Frédéric Desmesure
Mais, malheureusement, il n’arrive pas à franchir ce barbelé. Alors qu’avec humour et un point de cynisme, une photo montre un barbelé recouvert de plumes, les macabres frontières évoluent et les protagonistes deviennent des scientifiques créateurs d’une clôture végétale impénétrable « pour protéger efficacement les espaces et les territoires … ». Ce maillage solidaire est composé de plusieurs essences d’arbustes épineux, habilement combinés en fonction de leur résistance et de l’importance de leurs épines. Redoutables et inviolables, ces haies présentent aussi une barrière racinaire infranchissable. Effarés par ce que l’on croit être une invention des auteurs, ils confirment après la représentation que cette frontière végétale est malheureusement bien réelle.
Les trois artistes sont tellement convainquant qu’il est bien difficile d’applaudir de tels propos si funestes, si horribles, si dramatiques. Mais il faut acclamer Mathieu Desseigne-Ravel, Michel Schweizer et Abel Secco-Lumbroso pour l’intelligence et l’excellente construction de ce texte si effroyable, pour leurs performances de comédiens et danseurs absolument extraordinaires, pour avoir touché l’âme de chaque spectateur et lui permettre de réfléchir à ces états de fait, à la liberté.
Nice Trip est une œuvre capitale !
Sophie Lesort
Spectacle vu le 10 février 2023 aux Hivernales d’Avignon
21, 22 et 23 mars 2024 au Centquatre dans le cadre de Séquence Danse
Nice Trip
Conception : Mathieu Desseigne-Ravel, Michel Schweizer
Interprétation : Mathieu Desseigne-Ravel, Michel Schweizer et Abel Secco-Lumbroso
Collaboration artistique : Anne Kersting
Création photographique : Ludovic Alussi
Conception sonore : Nicolas Barillot
Régie générale et lumière : Jeff Yvenou ou Yvan Labasse
Régie son : Sylvain Gaillard
Construction décor : Jean-François Huchet
Accompagnant jeune interprète : Héloïse Lumbroso
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