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« Light : Bach Dances » de Hofesh Shechter
A la Philharmonie de Paris, Hofesh Shechter donne corps à la musique de Jean-Sébastien Bach. Une oeuvre mêlant chanteurs et danseurs co-dirigée avec John Fulljames.
Ne serait-ce que par son titre, le « spectacle » de Hofesh Shechter, coproduit par le Théâtre de la Ville et la Philharmonie de Paris, rappelle le ballet de Lucinda Childs, Available Light (1983), que nous avions découvert à Louvain, peu de temps après sa création et revu au Théâtre de la ville intramuros en 2015. La pièce de Shechter se déroule aussi, par intermittence, sur deux étages. On peut prendre le titre en anglais dans ses deux sens : celui de lumière et celui de légèreté.
Tanztheater
Les paroles de malades en fin de vie sont éclairées par les chants de la Passion du Christ, dans la traduction de Luther. Le prosaïque contraste avec le sublime, le profane avec le sacré, la parole avec le chœur, les soli avec les passages instrumentaux. Comme il est d’usage de nos jours dans les pièces de théâtre, le texte est à base d’entretiens, ce qui par principe l’authentifie, le consacre, le place sur le même plan que le verbe divin. Hofesh Shechter s’était déjà essayé avec John Fulljames à la mise en scène d’opéra : nous avions vu en 2018 à la Scala de Milan l’Orfeo ed Euridice de Gluck, une « tragédie-ballet », avec des séquences de danse données sur deux niveaux, façon Available Light ou, si l’on préfère, Jailhouse Rock (1957). Danseurs et chanteurs se partagent la scène, là aussi à égalité.
Les numéros chorégraphiques sont ici plus nombreux – bien qu’il faille attendre environ une demi-heure pour découvrir le premier. Ils misent aussi presque tous sur l’élévation des bras, comme dans certaines danses populaires d’Orient et, aujourd’hui, dans les rave parties. La danse est également chorale, groupale, à l’unisson, la plupart du temps – un des interprètes s’autorise tout de même vers le finale quelques passes de breakdance. La Philharmonie, lieu idéal pour l’opéra, mais plateau gigantesque et on ne peut plus haut de plafond, est certainement difficile à meubler. Tom Scutt, qui a conçu les élégants costumes et les éléments de décor, a opté pour un petit théâtre renoirien côté jardin, des roulottes à roulettes de cartomanciennes et fait l’emplette d’une ou de deux dizaines de chaises rappelant le ballet béjartien inspiré d’Ionesco, pour tenter de pallier cette contrainte.
Galerie photo © Camilla Winthers
Es werde Licht
Heureusement, le travail sur les éclairages de Paule Constable permet de donner le change. La matière étant au théâtre une affaire d’ombre et de lumière. Ainsi, une fenêtre ensoleillée, côté cour, se transforme en cercueil vertical dans lequel un des chanteurs officie sans sourciller. Une fois tirés les rideaux rouges protégeant un caisson, un puissant néon crée un contrejour qui ne permet plus de distinguer le baryton Yannis François. Le panneau de leds indiquant le titre des différents sujets abordés dans les entretiens, passe de la position horizontale à verticale.
Inutile de dire que le Concerto Copenhagen (CoCo), l’orchestre du Royal Danish Theatre dirigé par Lars Ulrik Mortensen, très à l’aise dans le répertoire baroque, nous a offert un programme musical du plus haut niveau. On pourra toujours chipoter quelque prestation vocale aigrelette en début de programme mais les artistes en chorus line faisant face au public ont occupé à merveille l’espace sonore à disposition de la grande salle Pierre Boulez. L’audience a fait un triomphe à ce concert de musique et de danse.
Nicolas Villodre
Vu le 8 janvier 2023 à la Philharmonie de Paris.
Co-direction : Ofesh Shechter et John Fulljames
Chorégraphie : Ofesh Shechter
Musique : Jean-Sébastien Bach
Direction musicale : Lars Ulrik Mortensen
Décors et costumes : Tom Scott
Lumières : Paule Constable
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