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« Promise » de Sharon Eyal

Dépassant les limites du corps, Sharon Eyal nous entraîne dans une promesse hypnotique et envoûtante avec le TanzMainz.

Depuis le succès de Love en 2003, et récemment, de sa trilogie (OCD Love, Love Chapter 2, et The Brutal Journey of the Heart), les pièces de la chorégraphe israélienne Sharon Eyalet sa compagnie, LEV (qui signifie « cœur » en hébreu), ont pour dénominateur commun l’amour. Promise, néanmoins, chorégraphié pour sept danseurs du TanzMainz (Ballet de Mayence, avec lequel elle a déjà créé Soul Chainen 2021), n’a officiellement aucun sujet, seuls les corps et le rythme obsédant de la techno d’Ori Litchik, donnent le ton, enserrés dans un rectangle de lumière signé Alon Cohen.

Dans ce huis-clos scénographique et musical, les danseurs se livrent à une performance aussi entêtante que virtuose. Sur demi-pointes, genoux pliés, collés serrés, les voilà soumis à un unisson implacable pendant les 45 minutes que dure le spectacle. C’est un travail de composition complexe, la répétitivité du groupe laissant peu à peu entrevoir des déviances dans ce troupeau incessant, des individualités dans ce groupe humain, sorte de paquet de muscles et de tendons qui forme un organisme impressionnant, une danse en fusion dont les volutes nous hypnotisent par leurs métamorphoses.

Galerie © Andreas Etter

Ces hommes et ces femmes aux physiques hétéroclites, en justaucorps et chaussettes bleus, font à la fois masse et dentelle, mécanique envoûtante et horloge en folie. C’est un vrai « corps » de ballet, à la fois plastique et rigide, comme un corps social qui oscillerait entre intégration et ingération… chacun disparaissant dans ce grand tout. Il est vrai que les unissons stricts font toujours signe vers la tentation du totalitaire et ses rigueurs impitoyables. Sharon Eyal y échappe de justesse en introduisant par touches la question de la liberté et de l’échappement. L’un des membres du groupe se détachant pour un solo inattendu, un porté déclenchant un duo surprenant, des rondes et des chaînes se nouant au détour d’une phrase chorégraphique. Peu à peu, l’austérité fait place à quelques lueurs, symbolisées par des loupiottes qui descendent des cintres comme autant d’étoiles. Et même si cette transe, parfois rêveuse, toujours inexorable, reste fascinante, des inflexions finissent par faire sens dans cette chorégraphie volontairement abstraite. Ainsi des bras de tous les danseurs qui se réunissent pour former un cœur qui les enserre. Ce qui nous laisse entendre que cette pièce, comme toutes les autres que nous citions au début n’a d’autre sujet, au fond, que l’amour. Mais un amour collectif, solidaire, peut-être une promesse pour notre humanité. Une danse en état d’urgence absolue.

Agnès Izrine

Le 27 novembre, L’Onde, Centre d’Art & de Culture de Vélizy Villacoublay.

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